Bernadette Lafont, la fiancée du cinéma

Bernadette Lafont et Dieu créa la femme libre © DR

Considérée comme l'une des égéries de la Nouvelle Vague, Bernadette Lafont a laissé une trace indélébile dans le cinéma français. La documentariste Esther Hoffenberg s'est penchée, dans Bernadette Lafont et Dieu créa la femme libre, sur la trajectoire hors normes de cette actrice engagée, qui a notamment tourné sous la direction de Truffaut et de Chabrol.

Comment avez-vous rencontré Bernadette Lafont ?

À l'occasion de mon film précédent, qui était dédié à Violette Leduc. J'ai appris que Bernadette Lafont était une fan de cette écrivain. Nous nous sommes rencontrées autour de notre amour commun de la littérature et de cette auteure. J'ai ensuite eu envie de réaliser son portrait de son vivant.

C'est un film à la première personne, au cours duquel vous vous adressez à elle, sans discours de spécialiste….

J'ai effectivement travaillé sur ce film avec un regard personnel. C'est Bernadette vue de l'intérieur. Le documentaire est basé sur des entretiens audio menés sur plusieurs mois en 2011, et énormément de films ou d'archives, fournies notamment par l'INA.

Avec quel objectif avez-vous abordé ces entretiens ?

À travers ses films, j'avais une image de quelqu'un de très audacieux et de très libre. Ce qui m'a intéressée, c'est la complexité de sa personnalité. Son amour des artistes, mais aussi son engagement personnel et humain, se situaient tout à fait en dehors des sentiers battus. C'était une actrice grand public qui véhiculait un mélange d'audace, de courage, mais aussi de solitude.

« Une voix inimitable »

Quel aspect de sa personnalité vous a été révélé au cours de ces échanges ?

J'ai découvert qu'elle avait aussi une très grande éthique et une très grande fantaisie. La richesse de ses engagements m'a beaucoup impressionné. Elle est toujours restée non-conformiste. C'était la seule actrice sex-symbol de l'époque qui était provinciale. Elle est restée très simple et saine dans sa tête. Elle a tout tenté, mais toujours en gardant un cap et en demeurant un soutien pour sa famille. C'est quelqu'un qui s'est créée, qui a inventé son personnage, son style… et qui s'est sans cesse renouvelée. Elle a donné vie à une grande actrice de caractère, avec une voix inimitable et des caractéristiques qui n'appartenaient qu'à elle. Plus je l'ai approchée, plus j'ai été émerveillée par cette femme. Mon film montre en quoi elle est à part.

Quel était son rapport au cinéma ?

Pour elle, c'était un rêve. J'ai beaucoup travaillé sur ses rêves d'enfant et sur la transmission de ces rêves dans sa maison familiale des Cévennes, où ces songes sont nés et où vivent aujourd'hui ses petites filles. Cette maison est un véritable personnage de la Nouvelle Vague. C'est là qu'elle a attiré Truffaut pour leur premier film. Ils ont débuté ensemble. Je suis allé dans ce berceau de cinéma, qui a été celui de ses rêves, où elle se nourrissait de grandes figures comme Leslie Caron et Brigitte Bardot, son modèle absolu.

Quels cinéastes chérissait-elle ?

Évidemment, il y a Truffaut et Chabrol, mais elle ne travaillait qu'avec des gens qu'elle respectait. Elle reconnaissait l'originalité et le vrai point de vue artistique. Ce qu'elle aimait avant-tout, c'était la poésie, et pas du tout le cinéma démonstratif.