Câini, rendez-vous avec Bogdan Mirica

Photo du film Câini (Dogs) © Iulia Weiss

Editeur, romancier et rédacteur publicitaire de formation en Roumanie, son pays natal, Bogdan Mirica emprunte la voie de la réalisation en 2011 en signant le court métrage Bora Bora pour lequel il est plébiscité au Festival d’Angers. Avec Câini (dogs), son premier long métrage, il confirme son statut de réalisateur et suggère une fresque de la nature humaine corrompue, dans laquelle les protagonistes livrent une bataille contre eux-mêmes.

Racontez-nous la genèse de votre film.

L’idée n’est pas née d’un évènement particulier mais d’un sentiment, une ambiance qui m’a toujours accompagné depuis mon enfance passée chez ma grand-mère dans le milieu rural en Roumanie. J’ai parfois été témoin lors de soirées d’été, de bagarres entre les locaux. Ils utilisaient des armes improvisées en tout genre : une chaîne de vélo, des planches ou encore une hache… Et je me souviens que ce qui m’intriguait le plus n’était pas la violence de ces actes mais le contexte dans lequel ils étaient provoqués. Ces gens n’avaient pas de raison de se battre, ils étaient juste curieux de savoir qui allait dominer l’autre. Malgré leur barbarie et leur manque de morale, il y avait une sorte de pureté ancestrale qui émanait de leurs actes. C’est ce que Dogs reflète.

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Je n’ai pas de méthode lorsque je tourne une scène. Chaque scène possède sa propre vie et  j’aime cette imprévisibilité. Normalement les choses ont tendance à être à leur place, tant que l’on fait attention à elles et que l’on se fie à son idée principale, c’est-à-dire à son sentiment, à son style et au choix de narration. La seule chose qu’on ne peut pas contrôler entièrement est le jeu des acteurs. Celui-ci atteint toujours un point culminant et ensuite diminue. Il faut y faire attention et arrêter l’acteur dès qu’il a franchi cette limite. Avant chaque tournage, je travaille minutieusement sur la liste des prises avec mon directeur de la photographie. Mais une fois arrivé sur le plateau, j’aime me détacher de cette habitude et je m’adapte à ce qu’il se passe en temps réel.

Quelques mots sur vos interprètes ?

Ce que je cherche en premier chez un acteur est une spécificité physique. Quelque chose de brut, de poétique, afin de le rendre plus grand. Je souhaitais avant tout que mes acteurs soient des archétypes.

Quel regard portez-vous sur le cinéma de votre pays ?

Le cinéma roumain peine à survivre dans une industrie dominée par des blockbusters américains, alors que les salles de cinéma continuent de disparaître. Le cinéma roumain serait une étude de cas culturelle, sociale et économique fascinante si ce n’était pas aussi triste.

Vos sources d’influence ?

Il y en a tellement que c’est difficile de choisir. Mais si je devais le faire, je dirais la musique et la littérature. Je pense à Nick Cave, Warren Ellis, Cormac McCarthy et à la folk roumaine qui respire le fatalisme. Je ne suis pas inspiré par la narration mais par l’émotion.