Quand Raymond Depardon chroniquait les petits faits divers

Photo du film Faits divers © DR

En 1982, le photographe français Raymond Depardon plongeait sa caméra en immersion dans un commissariat de Paris. Il revient sur les coulisses de ce documentaire qui chronique le quotidien des policiers traitant les « petits » faits divers.

Comment est né Faits divers ?

L'idée m'est venue alors que j'étais à New York. En fin d'après-midi, la NBC diffusait une émission de faits-divers et ce programme m'a interpellé et j'ai pensé qu'il serait intéressant de réaliser un film sur la police locale, aidé d'un cameraman américain. Ensuite, je me suis dit : « mais pourquoi pas Paris, plutôt que New York ? ».

Quand a débuté le tournage ?

À la fin de l'année 1982. Je suis resté trois mois tout seul dans ce commissariat. On m’a conseillé de tourner dans un hôtel de police car au sein de cette entité, la police judiciaire cohabite avec le commissariat. J'ai choisi celui du 5e arrondissement.

Techniquement, à quelles difficultés avez-vous dû faire face ?

Je tournais dans des conditions de lumière difficiles. C'est un film très en avance techniquement car à l'époque, en basse lumière, la technologie n'était pas très rapide. J'ai privilégié les longs plans-séquence pour ne pas avoir à expliquer par d'autres moyens la chronologie des faits. J'ai également bricolé ma caméra en y installant un micro, utilisé en Allemagne pour capter des concerts de musique classique.

A-t-il été difficile de vous faire une place ?

J'étais embarqué avec la police secours, dans une équipe formée d'un brigadier et de quatre hommes. Au début, cela a été un peu difficile car les policiers en uniforme ne voyaient pas ma présence d'un bon œil. Mais j'ai ensuite bénéficié d'une incroyable liberté car j'ai su tout doucement m'attirer la confiance de tout le monde, sans porter de jugement.

« Tout est dans le son, tout est dans le dialogue »

De quelle manière cette expérience vous a-t-elle marqué ?

Je ne voyais plus les choses de la même façon. C'est comme si vous aviez d'un côté les informations livrées par le journal télévisé, et de l'autre, d'autres nouvelles qui n'avaient aucune chance de remonter à la surface. J'avais l'impression d'être dans un autre monde, mystérieux, mais dont j'avais la clef.

Vous filmez les policiers avec beaucoup de retenue et de tendresse…

Oui, c'est vrai. Il y avait plusieurs catégories de policiers, dont ceux fous de rage d'être plus confrontés à un travail d'assistante sociale que de répression. Mon film a été acheté par les écoles de police pour y être projeté et préparer un peu les élèves. Beaucoup ne voulaient rentrer dans la police que pour casser du voyou.

Vous avez effectué un important travail sur le son d'ambiance…

Le film n'aurait jamais existé sans ce travail sur le son. Tout est dans le son, tout est dans le dialogue. Avant que Claudine Nougaret ne me rejoigne pour s'occuper du son, j'ai fait mes films tout seul, avec micro et caméra à l'épaule. C'était précurseur.

Comment jugez-vous le résultat de la restauration ?

J'ai complètement redécouvert le film ! Il contient des choses extraordinaires en termes de lumière et de son. Je tournais à pleine ouverture dans la pénombre et il y a des choses que je n'avais jamais vu ! En remasterisant le film, j'ai redécouvert mon image.