Rencontre avec Valeria Golino, membre du Jury des Longs Métrages

Valeria Golino - Membre du Jury des Longs Métrages © Mathilde Petit / FDC

Durant une décennie, elle a été l’actrice la plus internationale du cinéma italien, tournant notamment aux côtés de Tom Cruise (Rain Man, 1988), Nicolas Cage (Leaving Las Vegas, 1995) ou sous la direction de Sean Penn (The Indian Runner, 1991). En 2013, Valeria Golino est passée derrière la caméra avec Miele, long métrage plein de maîtrise sur l’euthanasie. La belle aux yeux azur, membre du Jury des Longs Métrages, évoque son parcours dans le 7e Art.

Quelle place occupe le Festival de Cannes dans votre carrière ?

Ma plus grande émotion, personnelle et professionnelle, je l’ai vécue en 2013 à Un Certain Regard avec la présentation de Miele, mon premier film. Cela a été un moment incroyablement émouvant. J’étais tellement tendue que je n’ai pas réussi à m’amuser. Ce passage au festival a été extrêmement utile au film et à ma carrière. Cannes est toujours très important pour les cinéastes.

Remontons le passé : c’est le cinéma qui est venu à vous…
Le métier d’actrice n’était effectivement pas un rêve et il m’a emporté par hasard. J’avais 16 ans quand j’ai joué dans mon premier film, sous la direction de Lina Wertmüller. À l’époque, j’étais lycéenne et j’avais pour seule ambition d’aller à l’université. Depuis l’âge de 14 ans, je faisais aussi un peu de mannequinat. À Rome, j’ai rencontré Lina, qui était une amie de ma tante. Elle cherchait une adolescente pour interpréter la fille d’Ugo Toniazzi dans son nouveau long métrage. J’ai fait des essais pour elle, sans trop réfléchir, et quelques mois plus tard, j’ai tourné le film. C’est là que j’ai été gagnée par le virus. Tout est donc arrivé avant que je n’ai eu le temps d’y rêver.

Que saviez-vous du métier d’actrice ?

Rien. Mais j’étais très cinéphile. J’ai vécu dans une famille d’amoureux du cinéma. Nous y passions beaucoup de temps et je m’étais forgé une opinion sur le cinéma que j’aimais. Quand j’étais plus petite, dans les années 70, le cinéma américain était à son apogée et j’adorais des réalisateurs comme Martin Scorsese ou Sidnet Lumet. Robert De Niro, Al Pacino et Dustin Hoffmann étaient mes idoles. J’aimais le cinéma américain avec un certain engagement et le cinéma de genre, mais de qualité. Et puis, l’Italie bénéficiait encore de grands réalisateurs en activité : Antonioni, Fellini, Bellocchio, Ferreri…notre cinéma était peuplé d’auteurs de grand talent.

Votre ascension a été immédiate, avec un prix d’interprétation féminine à Venise à vingt et un ans. C’est difficile à gérer un succès si soudain ?

Non ! Pour une actrice, le plus compliqué à gérer, c’est lorsque le succès n’est pas au rendez-vous. Quand on est jeune et appréciée dans ce métier, c’est un cadeau de la vie. Vous n’avez ainsi pas besoin de travailler dur pour prouver votre valeur dans un milieu où il est difficile d’émerger. J’ai donc eu de la chance. Le prix d’interprétation a été extrêmement important car il a lancé ma carrière. Il est plus facile d’avoir du succès jeune qu’après plusieurs années d’expérience.

Sauf si, comme vous, on devient réalisatrice…

Je suis devenue réalisatrice pour rester jeune et me renouveler. Il est difficile de résister dans ce métier comme je l’ai fait durant trente ans. C’est compliqué de ne pas se laisser abattre par les embûches et de rester à un niveau qui soit digne et qui maintienne ton enthousiasme.

« La télévision de Berlusconi a fait beaucoup de mal. Il a anesthésié nos cerveaux. Mais le cinéma italien continue d’exister. »

Il y a ensuite eu votre période américaine, initiée notamment par Rain Man. Quel souvenir en gardez-vous ?

Durant dix ans, j’ai tourné seize ou dix-sept films. Ce sont des expériences qui m’ont formée à une discipline différente, que je ne portais pas naturellement en moi. J’ai appris beaucoup de choses aux États-Unis car j’ai eu l’opportunité d’observer de grands acteurs au travail et une machine de cinéma en perpétuel mouvement. J’ai aussi appris à jouer dans une autre langue. En Italie, je basais mon jeu sur l’inconscience et le naturel. Pas en travaillant mes personnages de façon aussi intense. Cela dit, les rôles dont je suis la plus fière, je les ai obtenus en Italie.

Qu’avez-vous appris lors du tournage de Miele ?

Miele a été l’expérience la plus totale de ma vie. J’ai mis tout mon cœur dans ce film. Il m’a appris à appréhender mon travail d’une autre manière, plus frontalement. Une actrice peut être comme un papillon, et voler de fleur en fleur. Mais un réalisateur doit rester un arbre.

Que pensez-vous du cinéma italien actuel ?

Il y a beaucoup de mouvement, du renouveau, du talent. Notre industrie est un véritable chaos, avec des lois qui ne sont pas assez tournées vers les films. Le problème, c’est que les italiens ne sont plus intéressés par le cinéma, contrairement à vous, les Français. En Italie, les cinémas proposent des films déjà diffusés à la télévision. C’est un problème culturel. La télévision de Berlusconi a fait beaucoup de mal. Il a anesthésié nos cerveaux. Mais le cinéma italien continue d’exister.

Quel genre de cinéma vous touche ?

Je n’aime pas un genre en particulier, mais j’aime le cinéma quand il est vivant, quand il n’est pas encore un dérivé de la télévision. J’aime le cinéma lorsqu’il a un point de vue, lorsqu’il est curieux, à la recherche d’une forme pour enrober son contenu. Quand il n’a pas peur d’être différent. Et ces caractéristiques-là peuvent influer tous les genres et tous les styles.