Rencontre avec Vanessa Paradis, membre du Jury des Longs Métrages

Vanessa Paradis, membre du Jury des Longs Métrages © Foc Kan / Getty Images

Chanteuse, actrice, et maintenant juré. Vanessa Paradis vit sa première expérience au Festival de Cannes cette année, en tant que membre du Jury des Longs Métrages. Rencontre avec une belle enthousiaste du cinéma.

Comment avez-vous abordé votre rôle de Juré ?

Au début avec beaucoup de trac et d’excitation de vivre cette première expérience à Cannes. Et ce qui est génial c’est qu’au bout de quelques jours, en discutant avec les membres du Jury, je me suis rendue compte qu’ils étaient tout aussi traqueurs que moi. C’est une telle responsabilité et un tel privilège que ça en devient difficile de faire des choix. Je ne m’attendais à ce que ce soit aussi fort, féérique et enivrant.

Quelle place a tenu la musique des films dans votre cœur de juré ?

J’y suis très sensible mais c’est évidemment le film qui prime, l’histoire, la mise en scène, les acteurs, et la musique est comme une jolie robe qui vous enveloppe, elle ne change pas l’âme de la personne mais elle la sublime. Je ne crois pas qu’une musique puisse ruiner un film, ou alors il faut vraiment qu’il ne soit pas bon à la base.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans l’expérience que vous venez de vivre ?

Difficile à dire mais ça va beaucoup me manquer !  Je n’ai jamais été autant au cinéma de ma vie ! Et la vie en groupe avec le Jury va aussi me manquer. Je suis très admirative et à l’écoute des professionnels qu’ils sont, mais ce sont surtout les personnes qui m’ont fait fondre. Il y avait une ambiance de respect, de générosité, beaucoup de beauté. On a vraiment créé des liens.

Vous avez interprété des musiques de films, comme dans Le Petit Poucet en 2001, Un Monstre à Paris en 2011, ou pour Fading Gigolo de John Turturro en 2014. Souhaitez-vous en écrire ?

J’ai déjà tellement de mal à écrire des chansons pour moi, mais en tous cas j’adorerais. Je trouve ça ultra chic !

Dans l’Arnacoeur, votre musique de film préférée est Time of my Life de Dirty Dancing, mais dans la vie?

J’ai un immense coup de cœur pour Chantons sous la Pluie, j’aime ce film depuis que j’ai l’âge de cinq ans, et c’est toujours mon préféré aujourd’hui. C’est ma madeleine de Proust, il n’est pas du tout triste mais il peut me faire pleurer. Ma chanson préférée, c’est quand Gene Kelly fait sa déclaration à Debbie Reynolds.

Votre fille a monté les marches pour La Danseuse, l’avez-vous aidée à préparer le rôle ?

Lily-Rose est une jeune femme qui sait très bien ce qu’elle veut. Elle est très intelligente, très décidée et, même si on parle de mère à fille comme d’actrice à actrice, qu’on se fait confiance, franchement elle n’a pas besoin de mes conseils. Je ne dis pas qu’elle n’est pas remplie de doutes mais c’est une grosse travailleuse, très concentrée, pas du tout une enfant gâtée d’Hollywood. Elle a vraiment une bonne raison d’être là.

On se souvient de votre émouvante interprétation du Tourbillon de la vie avec Jeanne Moreau au Festival de Cannes 1995 ? Pouvez-vous nous l’évoquer?

Je suis venue par l’entrée des artistes (j’ai monté les marches pour la première fois cette année), et c’était une surprise pour Jeanne Moreau. J’avais un trac monstrueux, je ne savais pas comment elle allait réagir et j’avais eu une très mauvaise expérience dans le Palais des festivals au tout début de ma carrière en participant au Midem (en 1988, elle avait été huée lors de son interprétation de Joe le Taxi). J’ai commencé à chanter des coulisses et quand je suis entrée en scène, j’ai aperçu la salle. La première personne que j’ai vue, c’était elle. Je ne l’ai pas lâchée du regard, j’étais comme aimantée. Elle est venue vers moi, je me suis mise à genoux et elle m’a attrapé la main. Je m’en souviendrai toute ma vie. J’ai vraiment eu une sensation de lévitation sur scène. On ne se connaissait pas encore (Jeanne Moreau jouera sa grand-mère six mois plus tard dans Un amour de Sorcière) mais il s’est passé quelque chose, j’étais enveloppée d’une merveilleuse chaleur. Je n’ai jamais ressenti ça, pourtant j’ai fait beaucoup de concerts dans ma vie et j’ai vécu des choses très fortes, mais ce sont souvent des choses qu’on gagne à la force de son concert, au bout de deux heures. Là ça n’était qu’une chanson mais c’est l’un des moments les plus forts de ma vie.