Après la guerre, rendez-vous avec Annarita Zambrano

Photo du film Dopo La Guerra (Après la Guerre) © DR

Annarita Zambrano fait partie des pépites dénichées à Cannes. Quatre ans après Ophélia, court métrage en Compétition, elle dévoile son premier long métrage au Certain Regard. Dopo la Guerra (Après la guerre) raconte l'exil en France d'un ex-militant d'extrême gauche italien sous le coup d’un mandat d’extradition après avoir été soupçonné d’avoir commandité un attentat.

Racontez-nous la genèse de votre film.

J’ai six ans et je suis heureuse parce que dans trois jours c’est mon anniversaire. Je regarde la télé, Toto Cutugno chante Une journée comme tant d’autres. Soudain, la chanson est interrompue par une édition spéciale. Aldo Moro, le président de la Démocratie chrétienne, prisonnier depuis 55 jours d’un groupe terroriste, les Brigades Rouges, a été tué. Les images en noir et blanc passent en boucle. Tout le monde pleure. Je pleure aussi et je ne comprends pas pourquoi. Les images du corps de Moro enterrent pour toujours les espoirs, les chansons, les couleurs de la dernière génération italienne qui avait osé rêver. La genèse d’Après la guerre est le prix que ma génération malheureuse, victime collatérale d’une guerre qui ne lui appartenait pas, a dû payer pour les fautes des autres.

Une anecdote de plateau ?

On a tourné la partie française du film dans un petit village des Landes, Contis. Un matin, pendant le tournage, on a découvert une énorme baleine échouée sur la plage. Le budget du film n’est pas très important et le planning était réglé à la minute près, mais je n’ai pas résisté à la tentation de filmer ce colosse mort sur la plage. Il y avait une mélancolie, une fatalité. Je suis restée très troublée par cette image.

Comment avez-vous choisi votre personnage principal ?

Le choix de Marco a été difficile. Il fallait un acteur italien qui parle français couramment et qui ait une présence très différente des stéréotypes cinématographiques liés à l’imaginaire du militant/terroriste, comme Che Guevara ou Carlos, ténébreux, tombeurs de femmes. Giuseppe Battiston est un acteur de cinéma très connu en Italie, il a une grande expérience liée au théâtre tragique. J’aime sa présence massive, à mi-chemin entre un ogre et Orson Welles.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

J’avais déjà tourné dix courts-métrages et un documentaire de 52 min… Je pensais : « C’est juste la longueur du tournage qui change ». Hélas, j’ai découvert que la réalisation d’un long métrage n’a rien à voir avec celle d’un court ! L’enjeu était énorme après avoir passé tant de temps dans la solitude de l’écriture. J’ai dû apprendre à faire confiance. Je me suis laissée nourrir par le talent et la générosité des personnes qui m’entouraient et j’ai compris la chance que j’avais d’être soutenue par cette équipe.

Vos sources d’influence ?

Pour la mélancolie de l’exil, La Lune et les Feux (La luna e i Falò) de Cesare Pavese. Pour la réflexion politique, les Lettres luthériennes de Pier Paolo Pasolini. Pour l’image, la peinture de la Nouvelle objectivité allemande : Christian Schad, Otto Dix. Et aussi, tout le cinéma qui a essayé de combler le vide laissé par la classe politique : Luchino Visconti, Elio Petri, Michelangelo Antonioni