Cannes et sa « belge histoire »

Photo du film La belge histoire du festival de Cannes © alizé production

Au volant d'un camping-car vintage, le documentariste wallon Henri De Gerlache est allé à la rencontré des auteurs et des comédiens belges qui ont marqué la manifestation. Habillé par la voix off de Stéphane De Groodt et des images d'archives, La Belge Histoire du Festival de Cannes retrace en filigrane l'évolution d'un cinéma à la créativité foisonnante, qui s'est nourri de ses différentes communautés et a su rester libre.

Pourquoi avoir choisi le prisme cannois pour narrer l'histoire du cinéma belge ?

D'abord parce que j'ai découvert en travaillant sur des archives que la ville d'Ostende était l'une des candidates à l'accueil de cette manifestation, avant que Cannes ne soit désignée. À l'aune de son 70e anniversaire, je trouvais le clin d'œil amusant. Et puis, c'est aussi un fil conducteur qui a sa part de rêve. L'histoire du cinéma belge à Cannes est riche de films qui ne sont pas anodins et qui l'ont marqué. Je me suis rendu compte que s'était nouée entre eux une relation de fidélité.

Quelle a été l'influence du Festival de Cannes sur son évolution ?

Si l'on exclut ces vingt dernières années, qui sont la face visible de l'iceberg, Cannes a permis l'apparition d'un cinéma assez osé, sans barrières, caractéristique d'un pays à l'histoire jeune, moins ancrée. Cannes a aussi permis au cinéma belge de rester libre.

Comment expliquer cette liberté de ton ?

Par l'absence d'une industrie développée, et donc de règles. Cette situation oblige les auteurs à se réinventer, à créer de nouvelles formes pour pouvoir exister face aux industries plus organisées. Il faut faire preuve d'une grande créativité à chaque film. Mais si le cinéma belge développe sa force créatrice parce qu'il est sous-financé, il existe aussi des films ambitieux qui ne se font pas à cause de ce manque de moyens. Le pays est jeune et son pluralisme culturel favorise cette ouverture artistique plus large.

Cette créativité, n'est-ce pas ce qui réunit le cinéma belge wallon et flamand ?

J'ai effectivement eu envie de réunir ces deux communautés par cet argument-là pour rendre compte que le cinéma belge, c'est aussi une seule et même culture. Travailler à partir du prisme du Festival de Cannes m'a également permis d'opérer cette réunion. Nos divisions ne sont pas très intéressantes quand on prend la distance d'un festival qui s'intéresse au pays dans sa globalité. Depuis les années 90, les choses sont de plus en plus scindées et chacune des communautés a de moins en moins connaissance du cinéma de l'autre. Ensuite, il est vrai que la Flandre s'est construite sur la révélation d'une identité plus marquée. Il y avait pour elle un besoin d'exister.

Avec quelles répercussions sur son cinéma ?

Dans les années 1950 et 1960, une majorité de films se sont construits à partir des œuvres d'auteurs flamands reconnus. Ces romans populaires ont été portés à l'écran pour faire exister cette identité. Aujourd'hui, le regard du cinéma flamand se tourne davantage vers un modèle anglo-saxon. Beaucoup de cinéastes flamands poursuivent d'ailleurs leur carrière en Angleterre ou aux États-Unis. C'est ce qui lui donne aussi toute sa force et sa vivacité.

Quel avenir peut-on imaginer pour le cinéma belge ?

En faisant ce film, je me suis rendu compte de certains éléments fédérateurs comme la créativité. J'espère qu'il va garder cette liberté et que les choses ne s'institutionnaliseront pas trop. Les films qui ont émergé de Cannes étaient des œuvres coup de poing qui tentaient de réinventer les choses. J'espère que cet esprit de liberté va perdurer.