Demons in Paradise, au coeur de la guerre civile au Sri Lanka

Photo du film Demons in Paradise © DR

1983, Jude Ratnam a 5 ans. Il fuit à bord d’un train rouge les massacres perpétrés contre les Tamouls par le gouvernement pro-cinghalais du Sri Lanka. Pour son premier documentaire, le cinéaste sri lankais tamoul revient sur les trente ans de guerre civile du pays. Le film est projeté en Séance Spéciale.

Demons in Paradise est le résultat de dix ans de travail. Quel a été l’élément déclencheur de ce film ?

Je n’ai jamais pensé que je ferai des films. A l’origine, je suis un activiste qui milite pour les droits de l’homme et jusqu’en 2006, je travaillais pour une ONG. A l’époque, beaucoup de choses se passaient autour de nous et je me sentais impuissant. Un jour, j’ai regardé Les Temps Modernes de Charlie Chaplin et j’ai réalisé le pouvoir du cinéma. C’est à ce moment-là que l’idée de raconter le conflit au Sri Lanka m’est venue.

Demons in Paradise est votre premier documentaire, tourné de l’intérieur. Réaliser un tel film comprend-il des risques ? Quels obstacles avez-vous rencontrés ?

Bien sûr que cela est risqué. C’est justement à cause des restrictions que j’ai entrepris ce film. Je ne l’aurais pas fait s’il n’y en avait pas eues. Il y avait beaucoup d’obstacles à surmonter, surtout en tant que réalisateur tamoul. Mais j’étais entouré d’une équipe cinghalaise qui a obtenu les permissions de tournage pour moi. J’ai quand même dû jouer quelques tours pour être autorisé à filmer. Par exemple, j’ai inventé une histoire d’amour pour pouvoir utiliser un lieu. Malgré tout, je n’ai jamais voulu abandonner.

Comment avez-vous procédé à la réalisation de ce documentaire ?

La première chose que j’avais en tête était le décor. Au début, le documentaire paraissait très historique. Ma productrice a ensuite suggéré que mon vécu de la guerre à l’âge de 5 ans devait constituer le sujet du film. Mais j’étais assez réticent à l’idée de mettre mon histoire en avant. Puis, j’ai réalisé qu’il y avait déjà beaucoup d’histoires au sein de ma famille que je pouvais exploiter. C’est à cet instant que j’ai choisi la structure du documentaire. J’ai été épaulé par mon oncle grâce à qui j’ai rencontré des militants et d’autres personnes qui m’ont aidé dans mes recherches.

Vous êtes le premier réalisateur Sri Lankais à avoir un point de vue interne. En quoi cette position a-t-elle influencé le documentaire ?

Quand vous regardez un documentaire sur le Sri Lanka réalisé par quelqu’un d’extérieur, vous avez souvent le sentiment que l’un des partis est innocent. Au contraire, avoir un regard interne sur ce conflit m’a fait prendre conscience qu’en cas de guerre, personne n’est innocent.

Comment pensez-vous que le film va être reçu au Sri Lanka ?

Je pense qu’il causera moins de problèmes au Sri Lanka que dans les pays où la diaspora tamoule est encore présente car les Tigres Tamoules véhiculent des idéologies que mon documentaire remet en question.

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?

Ce serait un documentaire car j’aime l’incertitude que ce genre procure. Je veux préserver cela et ne pas avoir trop de contrôle. Mais j’aime aussi mêler documentaire et fiction en jouant avec mes personnages « réels » que j’intègre dans des situations presque fictionnelles.