Entretien avec Anahita Ghazvinizadeh, réalisatrice de They

Photo du film They © DR

Anahita Ghazvinizadeh est une grande enfant. Elle a appris le cinéma dans son pays d’origine auprès du plus grand parrain qui puisse être en Iran : Abbas Kiarostami. Elle est aussi une enfant de Cannes où, en 2015, elle décroche le Premier prix de la Cinéfondation pour Needle. Portée sur les questions liées au genre et à la jeunesse, elle poursuit son exploration dans un premier long métrage en Séance Spéciale, They. Le film raconte l’histoire de J. qui, sous traitements hormonaux, doit choisir son identité.

Vous avez remporté le prix de la Cinéfondation en 2015 avec Needle. Qu’est-ce que Cannes a apporté à votre carrière ?

Ce prix à la Cinéfondation m’a apporté la confiance nécessaire pour être consciente de ma capacité à faire les films que je veux faire. Je ne me suis pas dit que je devais immédiatement me lancer dans un long métrage parce que j’avais déjà un projet de court avant la Cinéfondation. Je suis resté proche des gens de la Cinefondation.

Vous êtes toujours en contact avec la Présidente du Jury qui vous a récompensée, Jane Campion ?

Elle a suivi mon travail et a été de très bon conseil.

They parle de la question du genre à l’adolescence, dans la veine de vos précédents courts métrages. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette thématique ?

Alors que j’écrivais des films avec des acteurs non professionnels sur l’enfance, j’ai dû m’intéresser aux traitements thérapeutiques pour les jeunes qui s’interrogent sur leur identité sexuelle.

« J’ai été fascinée par cette période de suspension, ce temps pendant lequel on se met en suspens jusqu’à arriver à définir qui on est vraiment. Les questions de l’identité et du genre sont importantes pour moi, mais celle de l’identité et des origines, ce qui me renvoie à ma propre vie en tant qu’artiste ou qu’immigrée. « 

Avez-vous vu Tomboy, de Céline Sciamma ?

J’ai adoré Tomboy. Je l’ai vu plusieurs fois. La manière qu’a Céline Sciamma de travailler avec les enfants est très inspirante. J’ai fait un film en Iran, When a Kid was a Kid, qui parle lui aussi d’un jeune garçon qui s’habille comme sa mère. Après quoi, de nombreuses personnes m’ont recommandé Tomboy.

Travailler avec des enfants est un exercice réputé compliqué. Comment vous y prenez-vous ?

Un réalisateur m’a dit un jour : « Si tu as une relation symbiotique avec eux, alors tu seras très proche des enfants. Mais en même temps, ils n’ont pas du tout la même expérience de la vie que nous. » J’essaie donc de ne pas être trop proche des enfants mais je passe beaucoup de temps avec eux. On répète énormément, je réécris les textes avec eux. Le but des répétitions est avant tout de créer une amitié. On passe généralement plusieurs mois à lire le texte.

Qu’avez-vous appris d’Abbas Kiarostami lorsque vous l’avez côtoyé en Iran ?

Abbas Kiarostami avait un atelier indépendant en Iran. J’avais des cours théoriques à l’université et cette expérience pratique avec Kiarostami. C’est là que j’ai eu l’idée de mes courts métrages. J’étais très inspirée par ses films, sa direction de jeunes acteurs et d’acteurs amateurs, par ses méthodes de casting, ses recherches d’acteurs dans le monde entier. L’autre chose qu’il m’a apportée, c’était avant mon départ pour les Etats-Unis. Il m’a parlé de l’époque où il travaillait sur Copie Conforme et Like Someone in Love. Il m’a encouragée à essayer de travailler dans une langue qui n’était pas la mienne. Notre langage premier, c’est le cinéma.