Événement : la réalité virtuelle selon Iñárritu avec Carne y Arena

Affiche de l'installation en réalité virtuelle Carne y Arena (Virtually Present, Physically Invisible) © DR

Au fil de ses 70 éditions, le Festival de Cannes n’a cessé de faire une place aux évolutions du cinéma. Cette année, c’est Alejandro González Iñárritu qui crée l’événement avec un dispositif inédit : Carne y Arena (Virtually Present, Physically Invisible). Plus qu’un film, une expérience en réalité virtuelle de 6 minutes 30, un dispositif inouï qui fera date dans la belle histoire du cinéma.

Au commencement, on entre dans un sas étroit. Pas dans une salle de cinéma. Seul. Les indications sont sur le mur de cette pièce étroite et immaculée : « Retirez vos chaussures et vos chaussettes et placez-les dans le casier à gauche ». Çà et là, des chaussures cabossées, dépareillées. Elles ont été recueillies par une artiste pendant plusieurs années à la frontière américano-mexicaine. L’immigration, c’est le thème de l’expérience Carne y Arena, car on ne saurait parler de film. Mais avant de la vivre, il faut patienter. Jusqu’à ce que l’alarme tonitruante s’active…

La porte passée, les pieds foulent le sable. Voilà l’arène, immense, noire. Casque VR sur le nez, audio sur les oreilles et un sac à dos abimé : l’expérience commence. Immédiatement, un monde s’offre à nos yeux crédules, on le scrute. Oubliée la pièce noire, oubliés ses murs immenses. Le désert s’offre à nous, on sent sa chaleur, on voit son ciel plombé et autour, personne. Jusqu’à ce que ce qu’un groupe de personnes approche. Ce sont des migrants, ils parlent espagnol, on les approche, ils sont bel et bien là, vivants, quasi palpables. Une mère et son enfant s’arrêtent au sol.

Photo de l'installation en réalité virtuelle Carne y Arena (Virtually Present, Physically Invisible) © Emmanuel Lubezki
Photo de l'installation en réalité virtuelle Carne y Arena (Virtually Present, Physically Invisible) © Emmanuel Lubezki

Il faut vite s’abandonner pour vivre pleinement l’expérience Carne y Arena. Elle commence haut et fort. Les hélicoptères scrutent le ciel, on ressent leurs rafales, tout le monde s’affole et vous avec. Quand soudain : « Get down! On the ground! » Un policier nous sommes interrompt dans notre quête. « Nous ». Car – on ne l’analysera qu’au sortir du hangar – on s’assimile au groupe de migrants, on agit physiquement comme eux : les genoux se posent sur le sable, les mains se posent derrière la tête, les cris de la police poussent à reculer.

Il aura fallu quatre ans à Alejandro González Iñárritu pour concevoir Carne y Arena. Outre le travail technique, ce temps lui a permis de rencontrer de nombreux réfugiés, d’écouter leurs histoires. Ce sont d’ailleurs ces personnes que le spectateur rencontre dans le monde virtuel de l’installation.

« Je souhaitais pouvoir utiliser la réalité virtuelle pour explorer la condition humaine tout en l’affranchissant de la dictature du cadre à l’intérieur duquel on ne peut être qu’un simple observateur. »

L’œuvre immersive d’Iñárritu vivra dans les musées du monde. Après le Festival de Cannes, elle trouvera une place à la Fondation Prada de Milan. L’occasion de vivre une expérience que certains comparent déjà à ceux qu’ont dû vivre les tous premiers spectateurs de l’histoire du cinéma.