Evénement : Tony Gatlif enflamme la plage en ciné-concert

Photo du film Djam © DR

Quand Tony Gatlif vient à Cannes, ça se voit, ça s’entend. La fête gagne la salle avant, pendant et  après la projection. A l’image de la présentation de Geronimo, en Séance Spéciale en 2014, accompagnée de la prestation improvisée des danseurs du film. Cette année, le Festival lui offre plus d’espace. Djam est présenté à l’occasion d’un ciné-concert événement au Cinéma de la Plage. Rencontre avec Tony Gatlif, toujours aussi musical, toujours aussi engagé.

Quand vous venez à Cannes, ce n’est pas simplement pour montrer vos films !

Mon cinéma mélange vie, fête et réflexion. C’est un cinéma pour aider les autres. On commencera la soirée avec un groupe de Thessalonique qui joue dans le film, des musiciens turcs de rébetiko [sorte de blues grec poétique empreint de la culture turque], et un autre groupe, qui m’a aidé à rassembler les musiques du film pendant un an.
Il a fallu chercher les musiques du film pendant très longtemps. Le rébetiko est ancien, je voulais des chants qui disent quelque chose de l’immigration mais qui soient encore parlantes aujourd’hui. On les a trouvées, on en a arrangées certaines pour qu’elles collent à notre époque. Elles deviennent des tubes. Ça va être une vraie soirée de fête qui se poursuivra avec la projection.

Le casting a dû être compliqué pour trouver une actrice qui sache parler français et grec, qui sache aussi danser et chanter.

Je l’ai cherchée en France, en Allemagne et finalement, on l’a trouvée à Athènes. Daphne sait tout faire. C’est rare ! On aurait pu tricher, on triche parfois mais je voulais de l’authenticité. Daphne m’a séduit quand je l’ai rencontrée. Le français et le grec sont ses deux langues, ce sont ses origines, elle est belle, humainement. Elle connait la musique, elle sait jouer du baglama (instrument à cordes grec).

« Daphne est ce qu’on appelle un cadeau. Quand vous avez ça, 60 % du film est réussi. »

Djam parle d’exil, mais dans les directions opposées à celles qui font l’actualité…

Les exils se ressemblent tous. Partir de son pays est une déchirure. On met peu de choses dans une valise, un peu d’argent éventuellement mais on n’y met pas sa culture, sa musique, ses traditions. On laisse tout ce qui fait un homme, tout ce qui fait une femme. En quittant la Turquie pour la Grèce, les exilés ont formé une nouvelle culture avec le rébetiko et c’est une richesse énorme, comme le blues. Ceux qui partent des pays de Shâm cherchent aide et protection mais ils ne trouvent que peu de choses. Ils ont été bien accueillis par le peuple grec, le peuple des îles, des pêcheurs. C’est la loi de la mer que d’aider les naufragés. Ils ont été formidables alors qu’eux-mêmes sont en pleine crise. Les exilés vont apporter à leur culture, tout comme les gitans, les grecs, les pieds noirs…

Djam n’est pas quelque part la sœur lointaine de Geronimo et de vos précédentes héroïnes ?

Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu de personnage principal masculin. Ce personnage de femme est le même que dans Gadjo Dilo, que dans Geronimo, que dans plein de films. La différence avec Djam, c’est l’humanité de Daphne. Elle touche la caméra tant elle respire d’humanité, elle est là, elle ne demande qu’à exploser. Il n’y a pas d’hystérie chez Daphne. Attention, j’aime beaucoup les hystériques ! Mais il n’y a pas de violence chez elle, elle ne sait pas ce que c’est. J’ai mis le paquet pour que l’on voie son humanité. Le film dit des choses justes. Il n’y a pas de violence.