Jeune femme, rendez-vous avec Léonor Serraille

Photo du film Jeune femme © DR

Avec Jeune Femme, la réalisatrice française Léonor Serraille signe un premier long métrage dans lequel elle dresse le portrait d’une femme livrée à elle-même à Paris et qui, au fil des rencontres, est bien déterminée à prendre un nouveau départ. Sélectionné à Un Certain Regard, le film concourt pour la Caméra d’or. 

Comment avez-vous eu l’idée de réaliser ce film ?

J’avais envie de dessiner une femme seule dans la ville et de construire un « film-portrait » qui soit traversé, comme le personnage, par des énergies contradictoires. L’écriture s’est appuyée sur des expériences personnelles, mon rapport à Paris. Mais l’idée était surtout de revisiter un maillage de situations concrètes pour filmer la métamorphose d’une femme. Ainsi, Paula est née, imprévisible, intense, mais aussi pleine de tendresse, de fantaisie. Je voulais rendre hommage aux gens qui l’« ouvrent », qui rentrent dans le lard de ceux qu’ils rencontrent.

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Le manque de temps de préparation et de temps de tournage a généré une urgence permanente qui nous a aidés, je crois, à prendre confiance en nous. Pour beaucoup d’entre nous, il s’agissait de notre premier long métrage. Chacun s’est montré extrêmement investi et inventif. Il y avait un réel désir collectif de voir éclore Paula. Je pense à une scène de restaurant en haut de la Tour Montparnasse, la nuit. Tout le monde est épuisé, stressé. Le matériel est coincé dans les ascenseurs et le temps presse quand, soudain, Laetitia Dosch et Grégoire Monsaingeon se plongent dans leur dialogue, dans l’obscurité et plus rien ne bouge. J’ai senti à ce moment-là qu’on formait une équipe soudée dans la difficulté, au service d’une histoire. C’était très fort.

Quelques mots sur vos interprètes ?

La rencontre avec Laetitia Dosch a été décisive. Elle a eu une compréhension des enjeux du personnage et du scénario telle qu’à chaque moment le dialogue était fécond, ouvert, précis. C’est une actrice aux mille facettes, qui ose, toujours avec intelligence. Les personnages secondaires sont des personnalités fortes avec lesquelles il était stimulant de construire. J’avais déjà travaillé avec Nathalie Richard sur Body, mon moyen métrage, et je voulais absolument la retrouver. C’est une immense actrice.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

Contrairement à l’écriture du film qui nécessitait un contrôle de chaque détail, le tournage se passait étonnamment bien lorsque je cessais de vouloir tout maîtriser. Pour retrouver le sens de ce qui a été poli pendant des mois, la spontanéité est reine. On prend des décisions vitales, dangereuses, mais c’est ainsi que le film reprend vie. Ça fait peur, mais c’est très excitant.

Quelles sont vos sources d’influence ?

Je me sens très influencée par les comédiens. Je pense à Anna Thomson, Patrick Dewaere, David Thewlis, Damian Lewis ou encore Winona Ryder. La littérature tient aussi une place importante dans mon envie de faire du cinéma. Les livres et les films qui m’ont marquée sont souvent des portraits, Wanda de Barbara Loden ou encore Naked de Mike Leigh par exemple.

Pouvez-vous nous parler de vos projets futurs ?

C’est encore très flou. Jeune femme repose sur un morcellement de Paula dans la ville, dans un enchaînement de scènes qui travaillent les différentes couleurs du personnage. Il y a donc peu de « longues scènes ». C’est ce dont j’ai envie pour le prochain projet : étirer le temps.