Kirill Serebrennikov, un été aux prémices de la Perestroïka

Photo du film Leto (L'Été) © DR

Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov filme l’émergence de la scène rock underground soviétique à travers le prisme de deux de ses icônes emblématiques. Tourné en noir et blanc, Leto (L’été) dépeint également les espoirs d’une génération en quête de renouveau à l’aube de la Perestroïka.

Leningrad, un été au début des années 1980. À l’orée d’une forêt inondée de soleil, Mike Naoumenko, un guitariste talentueux à la notoriété établie, chante son désir insatiable de liberté sous l’œil de sa compagne Natacha et d’une troupe de jeunes gens enjoués. Le rockeur ne le sait alors pas encore : emmenée par le groupe Kino et Viktor Stoï, son jeune chanteur charismatique, la génération de musiciens qu’il incarne est sur le point de changer l’histoire du rock’n’roll en Union Soviétique.

Deux ans après Uchenik (Le Disciple), charge incisive contre le fanatisme religieux présenté à Un Certain Regard, Kirill Serebrennikov s’empare de plus de légèreté pour narrer l’éclosion de ce mouvement musical dont Viktor Tsoï et Mike Naoumenko furent deux des principaux fers de lance. Le rock underground soviétique fut très populaire auprès de la jeunesse du pays pour son refus des entraves culturelles et idéologiques. Il connut au début des années 1980 la trajectoire inverse du régime déclinant de Brejnev, le dernier de l’ère soviétique.

Le cinéaste et dramaturge russe s’écarte du biopic pour conter l’histoire d’un trio amoureux baigné d’insouciance dans un pays jugulé par les restrictions. Serebrennikov dit s'être attaché à capter la pureté du souffle de liberté qui a traversé cette période charnière de l'Union Soviétique, étirée entre un climat politique liberticide et les aspirations de sa jeunesse.

Le tournage de Leto (L’été) a été interrompu dans ses tous derniers instants, en août 2017, après l’arrestation et l’assignation à résidence du réalisateur à Moscou par le pouvoir russe. Les scènes manquantes ont été tournées à Saint-Pétersbourg par son équipe à partir de notes qu’avait rédigées Serebrennikov pour le préparer. Le cinéaste a ensuite mené seul le montage du film depuis son domicile. Il signe un film baigné de musique sur l’amour et l’amitié, au cœur d’une période électrique qui fit date dans l’histoire de son pays.