Las Hijas de Abril, rendez-vous avec Michel Franco

Photo du film Las hijas de Abril (Les Filles d'Avril) © Alexandra BAS

Lauréat du Prix Un Certain Regard avec Después de Lucía en 2011, le cinéaste mexicain Michel Franco décrochait le Prix du Scénario pour Chronic en 2015. Jamais anodins, les thèmes abordés dans son cinéma (harcèlement scolaire, accompagnement en fin de vie) bousculent et interpellent. Las Hijas de Abril s’interroge sur la vie d’une adolescente enceinte à seulement 17 ans.

Racontez-nous la genèse de votre film

Deux éléments ont donné naissance au film.

Il y a quelques années, j’ai croisé une adolescente enceinte, c’est très courant au Mexique. Cela m’a fait réfléchir à ce qui allait arriver à son bébé et sur les circonstances qui l’avaient conduite à tomber enceinte. Elle avait l’air aussi heureuse qu’inquiète : ces contrastes sont à l’origine de l’histoire.

Je suis également fasciné par la compétition enfants-parents. Ces derniers refusent d’accepter qu’il n’ont plus vingt ans… Un déni de la hiérarchie dans les relations familiales qui conduit au chaos.

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Une confiance totale dans les acteurs, en leur donnant du temps et des moyens. Par exemple, Emma, Valeria et Joanna ont passé une semaine ensemble dans la maison sans l’équipe du film, et sans mon intervention. Ça leur a permis de faire connaissance. Ensuite, quand on filmait une scène, elles en savaient plus sur leur personnage et sur leur passé que moi. Elles m‘ont surpris en m’expliquant des choses sur leur identité.

L’alchimie que l’on voit à l’écran vient de cette semaine là, et du fait qu’on ait filmé par ordre chronologique. Cela a réussi aux acteurs, aux moins expérimentés en particulier.

Quelques mots sur vos interprètes ?

L’intuition, l’implication et le talent d’Emma Suárez sont une évidence. Elle travaille autant avec sa tête qu’avec ses tripes et elle a besoin des autres acteurs et de l’équipe pour faire jaillir sa générosité. Si cette relation devait se rompre, elle se perdrait et emporterait le film avec elle.

Valeria est complètement naturelle et a mis sa confiance entre mes mains. Elle est talentueuse par nature et n’a peur de rien. Elle transmet tout avec aisance et ses expressions sont complexes pour une si jeune fille. Son monde intérieur est labyrinthique.

Je ne peux pas imaginer ce film sans Emma et Valeria, leur énergie combinée est le moteur d’Abril.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

Développer quatre points de vue a été compliqué, il fallait donner sa voix à chaque personnage, et trouver l’équilibre au montage. Le travail de caméra et les mouvements étaient également différents de ce à quoi j’étais habitué. Yves Cape est un superbe complice de tournage et nous étions toujours à cheval entre une pré-production monomaniaque et l’improvisation.

Quel sera votre prochain projet ?

Dès que Chronic a été terminé, Tim Roth et moi-même avons parlé de faire un autre film. Plusieurs options s’offrent à nous. Pour le moment nous devons nous enfermer, écrire et passer du temps ensemble. L’idée de travailler de nouveau avec lui m’enchante.