Lazzaro, l’anti-héros d’Alice Rohrwacher

Photo du film Lazzaro Felice (Heureux comme Lazzaro) © DR

Quatre ans après Les Merveilles, Grand prix en 2014, la jeune cinéaste italienne Alice Rohrwacher interroge l’individualisme rongeant la société contemporaine dans Lazzaro Felice (Heureux comme Lazzaro), long métrage d'une infinie délicatesse qui dresse un parallèle entre deux époques grâce au voyage vers le monde moderne de son anti-héros.

Dans un hameau reculé de l’Italie vit Lazzaro, un jeune paysan à la bonté sans cesse abusée par les autres villageois. Un été, il se lie d’amitié avec l'arrogant Tancredi, le fils de la marquise qui détient les terres cultivées par les paysans de l’Inviolata. Cette amitié va le mener dans un voyage à travers le temps, au coeur du monde moderne.

À l’instar des Merveilles, qui relatait le quotidien d’une famille d’apiculteurs vivant en autarcie, le nouveau film d’Alice Rohrwacher navigue quelque part entre le conte de fée et la chronique sociale. Lazzaro Felice fait le récit du destin d’un anti-héros, d’un protagoniste de l’ombre ayant pour seul but d’aider les autres, au détriment de lui-même.

À travers sa trajectoire, la réalisatrice italienne décrit avec légèreté le déclin de la civilisation paysanne. L'intrigue du long métrage a été inspirée à Alice Rohrwacher par un fait réel : l'histoire d'une marquise qui a profité de l’isolement de ses nombreuses propriétés pour cacher aux paysans cultivant ses terres la fin du métayage. La cinéaste dit avoir été marquée par l’histoire poignante de ces paysans arrivés « en retard à ce rendez-vous avec l’histoire ».

Adriano Tardiolo, l'acteur amateur qui interprète Lazzaro, a été convaincu par Alice Rohrwacher de faire le film au terme des répétitions. Le jeune homme, magnétique à l'écran, souhaitait se familiariser physiquement avec son personnage avant de se décider.

Comme pour ses deux précédents longs métrages, dont Corpo Celeste (2011), le film qui l’a révélée, Alice Rohrwacher a choisi de tourner en Super 16. Un choix tout sauf esthétique ou dominé par la nostalgie, mais acté par amour pour cette technologie qui préserve le cinéaste d'un contrôle absolu sur les images. « À une époque où nous sommes asphyxiés avec des images répliquées et démultipliés, le cinéma peut encore distiller, soigner, jouer avec le regard, être surprenant et se surprendre », explique-t-elle.