Lerd, rendez-vous avec Mohammad Rasoulof

Photo du film Lerd (Un homme intègre) © DR

Il est des réalisateurs pour lesquels le cinéma est une lutte perpétuelle. C'est le cas de Mohammad Rasoulof, arrêté en 2010 avec son ami Jafar Panahi, en plein tournage. Ses deux derniers films sont malgré tout arrivés à Cannes, envoyés clandestinement par clé USB et sélectionnés au Certain Regard. Au revoir y a décroché le Prix de la mise en scène en 2011. Cette année, l'Iranien présente Lerd, l'histoire d'un couple retiré dans la nature dont le terrain est convoité par une compagnie privée.

Comment avez-vous préparé ce projet ?

Quand je commence un projet, le choix du casting et de l'équipe est primordial. Concernant le choix des membres de mon équipe, j'attache beaucoup d'importance à la bonne communication. Cela a un impact direct sur la qualité du projet. Je pense qu'un bon cinéaste prend bien plus de plaisir en partageant ses émotions avec son équipe. Créer un film est un processus collaboratif. Je fais partie de ces chanceux pour qui le tournage est un processus calme et agréable. Même quand on a tourné en secret et sans permission, dans une ambiance inquiétante et anxieuse, on a essayé de répondre à la peur par l'humour et l'optimisme.

Parlez-nous de vos personnages.

Je voulais que l'acteur qui interprète Reza conserve un regard vide, sans émotion, à travers tout le film. Pour moi, ce vide traduisait son passé, je savais qu’à mesure que le film avancerait, le spectateur le comprendrait progressivement. Je ne pensais pas que son humeur allait changer pendant le film. C'était devenu un solitaire mais sa femme, Hadis, devait se sentir très vivante. Elle fréquentait du monde et était impliquée dans les tâches quotidiennes. Avec Reza, nous sommes face à un personnage introverti mais sa femme a plutôt une attitude sympathique. Par chance, les deux acteurs ont vite trouvé leurs personnages. Reza a trouvé ce regard indifférent que j'attendais et Hadis, avec son expansivité, a fait montre sans ostentation d’une intelligence féminine qui résulte de la capacité à gérer le quotidien.

Qu'avez-vous appris en travaillant sur Lerd ?

Mêler environnement réel et images de synthèse était mon plus grand défi sur ce film. Dès l'écriture, j'étais très inquiet que ces parties ne soient pas représentatives de mon genre d'histoires et j'avais peur qu'elles aient un style hollywoodien. De toute façon, j'avais déjà pris ma décision et j'ai fait avec. On est tombé sur une équipe géniale au Magic Lab, à Prague, qui m'a patiemment assisté et a réussi à produire ces scènes de manière à ce qu'elles correspondent à mon histoire. Je pense que ma phobie des effets spéciaux s'est en grande partie évanouie.

Quel sera votre prochain projet ?

Mon prochain projet raconte l'histoire de deux frères qui, à cause de leurs croyances et idéologies, se sont retrouvés séparés après la Révolution iranienne. Ils restent longtemps éloignés, chacun à un bout du monde, sans se soucier l'un de l'autre. L'un est en Iran et l'autre au Canada. Soudain, trois décennies plus tard, l'un d'eux décide de retrouver l'autre. Je travaille sur ce projet avec mes producteurs depuis 2012. Nous avons rencontré de nombreux obstacles et je crois que nous les avons tous surmontés et qu'avec un peu de chance, on pourra commencer à tourner d'ici la fin de l'année.