Lire dans Cannes comme dans un livre ouvert

Adaptations littéraires 2017 © FDC

De tous temps, les écrits ont inspiré le cinéma. Au hasard : Stephen Frears et Les Liaisons Dangereuses, Stanley Kubrick et Shining, ou encore Carrie, Fight Club, les sagas Harry Potter et Millenium... A l’origine, des histoires sur papier, en prose ou en vers, en lignes ou en bulles, en nouvelle ou en tomes. Toute la diversité qu’offre le monde de l’édition a trouvé sa place au Festival de Cannes depuis sa création. En cette 70e édition, le livre y est plus que jamais un objet fort du 7e art.

Nous sommes en 2013. La Palme d’or est remise à Abdellatif Kechiche pour La Vie d’Adèle. Outre le fait que pour la première fois, les actrices sont appelées au même titre que le réalisateur à venir chercher la récompense sur scène, cette Palme revêt un caractère inédit.

« Cette nuit, j’ai réalisé que c’était la première fois dans l’histoire du cinéma qu’une bande dessinée avait inspiré un film Palme d’or et cette idée me laisse pétrifiée. C’est beaucoup à porter. »

Ces mots sont de Julie Maroh, qui a livré au cinéaste la matière de son chef d’œuvre. Le livre nourrit le cinéma et le cinéma le lui rend bien. Quelques jours après le Palmarès, impossible de trouver Le Bleu est une couleur chaude en librairie. Le film a boosté les ventes jusqu’à la rupture de stock.

Adaptés au cinéma, d’autres livres dans l’histoire de Cannes ont trouvé une nouvelle vie : Cosmopolis de Don DeLillo par David Cronenberg, ou encore Le Petit Prince de Saint-Exupéry librement revisité par Mark Osborne. Une œuvre « inspirée de… » . C’est devenu un argument dans la promotion d’un film. Cette année, 5 des 19 films en Compétition sont d’inspiration littéraire.

Des pages au grand écran, à Cannes, l’histoire ne se résume pas aux salles de projection. Mardi dernier, le 23 mai, au Salon des Ambassadeurs, la salle est comble. La quatrième session de Shoot the Book vient de commencer.

Le principe : pitcher un livre pendant 3 minutes 30 pour convaincre un jury de professionnels que l’œuvre a un fort potentiel d’adaptation.

Dix responsables des droits se succèdent sur scène et chacun avance ses pions, powerpoint à l’appui : exemplaires vendus dans le monde, univers singulier, personnages hauts en couleurs, auteur déjà adapté avec brio… Tout l’intérêt est de mettre en relation une œuvre littéraire avec des professionnels du cinéma. Nathalie Piaskowski, directrice générale de la Société civile des éditeurs de langue française (Scelf), elle nous en dit plus :

Cette année, Heidi Warneke a trouvé les arguments pour défendre Apocalypse Baby de Virginie Despentes. La responsable des droits chez Grasset met en valeur les précédentes adaptations de la romancière, décrit les profils des personnages, laisse imaginer un film entre Paris et Barcelone. Elle semble rompue à l’exercice.

A l’issue de cette session de pitch, les acheteurs peuvent poser une option sur les droits d’une œuvre, pour ensuite déclencher le processus de production. Entre l’option et la sortie d’un film, il faut compter quatre à cinq ans. En quatre éditions, Shoot the Book a abouti à une option par an en moyenne et espère voir naître dans les années à venir les premières adaptations de son cru.

Dans l’attente, Shoot the Book s’internationalise. Le principe est le même qu’en France, à ceci près que les œuvres sélectionnées doivent avoir moins de deux ans d’existence. Après les éditions lancées à Toronto et Los Angeles, l’avenir se fera en Chine au Festival du film de Shanghai.