Nelyubov, portrait d’une société déshumanisée

Photo du film Nelyubov (Faute d'amour) © DR

Marchant sur les traces d'Ingmar Bergman, le cinéaste russe Andrey Zvyagintsev présente en Compétition Nelyubov (Faute d’Amour), un point de vue âpre sur la nature humaine et une société au sein de laquelle l'ego a pris le commandement.

C'est histoire d'un couple en plein divorce qui se déchire sous les yeux de son jeune fils, Aliocha, 12 ans, mèche blonde et regard sombre. L'enfant est, chaque jour qui passe, le témoin malheureux des disputes incessantes de ses parents, Boris et Genia : des géniteurs trop occupés à tourner la page de leur union pour se soucier des dégâts causés par leurs querelles. Jusqu'à la disparition soudaine de l’adolescent…

Trois ans après le somptueux Leviathan – Prix du scénario en 2014 -, charge acerbe contre la corruption gangrénant le système politique russe, Andrey Zvyagintsev signe une critique ciselée des turpitudes du couple, préoccupation également si chère à Ingmar Bergman. L'ombre du maître suédois et notamment de Scènes de la vie conjugale (1973), dont Zvyagintsev assume l'influence, plane sur ce cinquième long métrage très stylisé qui s’illustre par son mordant, son utilisation de la lumière et sa complexité scénaristique.

Dans Leviathan, Andrey Zvyagintsev brossait le portrait peu réjouissant d’une classe politique russe gravitant entre magouilles, corruption et alcoolisme. Et en filigrane, celle d’un peuple sans horizon, écrasé par une élite politique sans foi ni loi. Au travers de cette banale crise familiale et de l'indifférence dont est victime Aliocha, c'est la brutalité du monde dans lequel nous vivons que le cinéaste s’emploie à cette fois égratigner.

Faute d’Amour dissèque sans ménagement l’égoïsme exacerbé d’une société moderne submergée d’informations, et dans laquelle l’individu évolue tête baissée, sans s’interroger sur ses propres failles. Le scénario du film a été échafaudé en collaboration avec Oleg Negin, fidèle du cinéma de Zvyagintsev, qui a également œuvré sur trois de ses précédents films : Le Bannissement (2007), Elena (2011) et Leviathan.