Rencontre avec Barry Jenkins, membre du Jury des Courts Métrages et de la Cinéfondation

Barry Jenkins, Membre du Jury Cinéfondation et Courts métrages © Eliott Piermont / FDC

Après avoir reçu l’Oscar du meilleur film et celui du meilleur scénario adapté pour Moonlight, le réalisateur américain, Barry Jenkins, est présent pour la première fois à Cannes où il assure le rôle de membre du Jury des Courts Métrages et de la Cinéfondation, présidé par Cristian Mungiu.

Est-ce la première fois que l’on vous confie ce rôle de juré ?

J’ai travaillé au Festival de Sundance où je faisais partie du même jury. Je regarde sans arrêt des courts métrages et je visionne aussi tous ceux de Cannes, donc cela n’est pas nouveau pour moi. Les gens me connaissent comme « le mec des courts métrages ». C’est peut-être la raison pour laquelle on m’a choisi !

Quel cinéma vous émeut ?

Les réalisateurs sont des raconteurs d’images. Il y a quelque chose qui se produit dès que vous associez les voix, la musique et l’image. Quelque chose de spirituel. C’est généralement les réalisateurs qui travaillent de cette manière qui m’émeuvent et non ceux qui se concentrent sur l’intrigue ou sur le genre. C’est le cas quand je regarde un film de Claire Denis, Michael Haneke ou Yorgos Lanthimos.

Vous avez été marqué par les films de Claire Denis et Jean-Luc Godard. Comment ont-ils influencé le réalisateur que vous êtes aujourd’hui ?

Quand j’étais étudiant en école de cinéma, j’ai regardé les films de la Nouvelle Vague. Les Nouvelles Vagues française et asiatique étaient mes préférées. Mon premier film Medicine for Melancholy est largement influencé par Jean-Luc Godard. Quant à Claire Denis, elle est ma réalisatrice préférée. J’adore la manière dont elle fait usage de la musique. Dans la plupart de ses films, la musique devient l’élément émotionnel par excellence. Une musique très évocatrice, émouvante et non manipulatrice.

Justement, la bande son de Moonlight a également été très remarquée. Quel est votre rapport à la musique ?

C’est un composant majeur de l’émotion que l’œuvre transmet. La bonne musique au sein du bon film peut vous transcender. Dans Moonlight, le personnage principal ne parle pas beaucoup. Ainsi, la musique devient sa voix. C’était très important pour moi que la musique y joue un rôle actif.

Vous avez vous-même débuté avec un court métrage, My Josephine. Que pensez-vous de ce format ?

My Josephine était mon premier court métrage, mon film étudiant. J’en ai dirigé beaucoup d’autres par la suite et je pense que c’est un exercice incroyable. Personnellement, j’approche tous mes films de la même façon. Je pense même qu’il est plus difficile de réaliser un court métrage car tout doit fonctionner en l’espace de quelques minutes et il faut que cela soit efficace. Ces dernières années, les meilleurs films que j’ai vus étaient des courts. Je ne les considère pas comme des films juniors, ils sont aussi bons que les longs métrages.

Vous avez dirigé un épisode de Dear White People, une série Netflix, et allez signer une série pour Amazon. En quoi la réalisation d’une série est-elle différente de celle d’un film ?

Pour Dear White People, c’était la première fois que je réalisais quelque chose que je n’avais pas écrit. C’était très différent car j’avais moins de contrôle que pour mes films. Et en tant que réalisateur d’une série, il faut être très respectueux des émotions que le scénariste veut faire passer à l’écran. J’ai dû apprendre à fusionner nos émotions à tous les deux. Qu’importe ce que l’on réalise, il y a toujours un défi à surmonter et c’est très stimulant. Mais lorsque l’on dirige une série, on doit prendre des décisions sur le moment, on n’a pas le temps de passer trois heures à réfléchir au choix que l’on veut faire. Tout cela est un processus différent mais pour moi, la réalisation d’une série est aussi belle que celle d’un film.

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet, The Undeground Railroad ?

C’est une série basée sur un livre dont l’intrigue se situe à l’époque de l’esclavage en Amérique. The Underground Railroad était un groupe de personnes qui aidait les esclaves à fuir au nord du pays. C’est une histoire vraie, mais tournée sous forme de science-fiction.

Un conseil à donner aux jeunes cinéastes ?

Regarder et faire le plus de films possibles ! Et surtout ne pas être obsédé par la reconnaissance. Il y a des réalisateurs qui sont rapidement reconnus et d’autres qui doivent attendre plus longtemps. Personnellement, j’ai 37 ans et c’est seulement maintenant que je connais un peu de succès.