Toni de Jean Renoir, les prémices du néoréalisme

Photo du film Toni © Roger Corbeau 1934 Gaumont

Entre Boudu sauvé des eaux (1932) et Le Crime de Monsieur Lange (1936) dans la filmographie féconde de Jean Renoir, Toni (1934) préfigure pour beaucoup le néoréalisme italien. Il est présenté à Cannes Classics en version restaurée.

Cinéaste prolifique aux multiples genres, Jean Renoir fut aussi celui du réalisme social. « Toni est un de ses films clé, il n’est ni le meilleur ni le plus parfait, mais sa morale est fondamentale » disait du film André Bazin. Une morale qui, aux yeux du critique, contient en germe celle de La Règle du jeu (1939), à une époque où Renoir commence à épouser la cause de gauche, l’époque du Front populaire. 

Dans la région de Martigues, au sud de la France, Toni est l’histoire d’un crime passionnel commis des années plus tôt et conté au réalisateur par un ami commissaire. Français, italiens, espagnols… : derrière ce fait divers, le film soulève les questions de l’appartenance et de l’identité, au-delà des nationalismes. Jean Renoir romance la vraie vie, montrant au passage la capacité de ces hommes à s’intégrer dans leur environnement. « Mon pays est celui qui me donne à manger », dit l’un des personnages du film.

Italien, Toni s’installe dans la région pour travailler dans les carrières du sud de la France. Sa situation reflète la réalité sociale de la France des années 1930 quand, suite à la dépression, le pays comptait sur l’aide d’un million de travailleurs du sud de l’Europe. Avec un réalisme social innovant, les postulats esthétiques de Renoir préfigurent pour beaucoup le néoréalisme italien : un contexte réel au cœur de la Provence, la garrigue pour décor naturel, et une distribution qui fait appel à la population locale (avec toutefois quelques acteurs professionnels), en grande majorité des immigrés espagnols et piémontais. 
La collaboration du jeune Luchino Visconti, qui proposera en 1942 la première œuvre néoréaliste consacrée avec Ossessione, contribue à cet ancrage.