Visages, Villages, bonhomie sur les routes de France

Photo du film Visages Villages © DR

Durant plusieurs mois, Agnès Varda et JR ont promené leur complicité et leur bonne humeur sur les routes de France, à la rencontre de la France des villages et de ses habitants. De ce périple est né Visages, Villages, long métrage construit sans autre scénario que celui proposé par leurs interlocuteurs. Entretien pétillant.

Quelle était votre démarche initiale ?

AV : Il s’agissait de tourner un court métrage en pleine campagne, sans scénario, dans les villages où j’aime me rendre afin que JR, qui est un artiste urbain, s’inspire d’un environnement différent. Mais on a pris goût à l’exercice parce qu’on a rencontré des gens épatants.
JR : Plus on a cherché à prolonger notre collaboration, plus l’envie d'en faire un long métrage est devenue grande. Mais toujours sans scénario ! La force de ce film, c’est de traduire notre envie de faire du cinéma ensemble et de se découvrir en partageant des aventures.

Un mot sur ces aventures ?

JR : J'ai pris du plaisir à sortir de l’anonymat des grandes villes pour investir ces villages où le sens de communauté est beaucoup plus fort. J'ai aimé partager un moment avec leurs habitants… en tant qu'artiste, je trouve cette proximité beaucoup plus enrichissante.
AV : Dans les villages, il y avait beaucoup de contentement parce qu’on se présentait avec un projet artistique dont ils faisaient partie. On leur proposait de se divertir tous ensemble. De jouer avec les images, seuls ou en groupes.

Pouvez-vous évoquer le tournage ?

AV : On n’a pas roulé au hasard, avec des stops sans raison. On choisissait un sujet ou un lieu et une fois sur place, on avait le hasard pour nous. Ou pas !
JR : Le film s'est construit entre nos voyages et nos agendas respectifs. On se retrouvait chez elle ou dans mon atelier pour réfléchir aux prochaines étapes. Nous avions du temps entre chacune d’entre elles, ce qui nous a laissé l’opportunité de trouver des financements pour repartir.

« Le ton du film est venu épouser celui de nos rencontres »

Quelles étaient vos envies en termes de narration ?

JR : Je voulais parler des yeux d'Agnès, qui perd tout doucement la vue, et de croiser nos regards quelque part dans le monde. On a choisi la France.
AV : Le ton du film est venu épouser celui de nos rencontres. Chacun de nous était amical et curieux. Les gens s’amusaient de nous voir complices et de bonne humeur. Ils nous parlaient comme à des voisins. On apprend beaucoup à écouter les autres et la réalité est souvent amusante ! C’est cette France-là, accueillante et pas en colère que nous avons rencontrée et filmée.

Comment avez-vous réussi à articuler vos domaines de prédilection ?

AV : JR peut monter sur un échafaudage, moi pas ! Plus sérieusement, j’aime parler avec les gens et choisir leurs mots au montage pour les mettre en valeur. De son côté, JR les photographiait et il leur proposait de faire des portraits, centrés sur leur visages ou de plain-pied. C’est ainsi qu’un facteur pouvait devenir le héros d’un village.
JR : Nous avons toujours décidé ensemble de chaque plan. Lors du montage, j'ai laissé la main à Agnès car c'est quand même une partie qu'elle maîtrise beaucoup mieux que moi et pour laquelle je l'ai toujours admirée ! Je passais régulièrement donner mon avis elle écoutait toujours avec une grande attention. J'ai beaucoup appris à ses côtés.