Vortex : rencontre avec Gaspar Noé

Photo du film Vortex © DR

 

Gaspar Noé surprend film après film, tant par le renouvellement de sa syntaxe cinématographique que par les sujets poignants qu’il propose. Il ne déroge pas à la règle avec Vortex, présenté à Cannes Première, l’histoire d’un couple en fin de vie et de leur fils, interprétés par Dario Argento, Françoise Lebrun et Alex Lutz. Rencontre.

La forme rappelle Lux Aeterna, mais le sujet n’a absolument rien à voir. D’où vous est venue l’idée ?

Ce film est le plus réaliste que j’aie jamais fait. On sent moins l’intention de faire un objet narratif destiné à séduire un public. Dans son contenu, il paraît presque documentaire. C’est une histoire très banale autour de la dégénérescence de la pensée liée au cerveau. Après avoir vu des situations analogues avec ma grand-mère, ma mère et d’autres gens que j’ai vu mourir, je me suis dit qu’il était dommage qu’on ne voie pas plus souvent des films qui décrivent ces mécanismes de survie ultra compliqués.

La fin de vie est traitée de façon très organique.

Quelqu’un abandonné par son corps, un cancer ou une leucémie par exemple, ça affaiblit mais ça ne joue pas forcément sur la perception. La dégénérescence des neurones, c’est beaucoup plus violent dans le sens où les gens peuvent être projetés dans des états de terreur qui ressemblent à des situations bien pires que dans mon film Climax. J’y montrais des jeunes gens qui se font mettre du LSD dans un verre, ce sont des états de terreur, mais ponctuels. Un état de terreur lié à Alzheimer peut durer des jours, des semaines, des mois, et il n’y a pas moyen d’en sortir. Je voulais voir un film sur ces situations qui ne soit pas théâtral. C’est plus un film existentiel sur le vide de l’expérience humaine.

Comment avez-vous convaincu Dario Argento de jouer avec vous ? Et les autres acteurs ?

Quand j’ai commencé à préparer Vortex, j’ai pensé aux personnes que je voulais le plus filmer, à lui pour le rôle du père et à Françoise Lebrun, que j’idolâtre, pour le rôle de la mère. J’ai eu la chance d’avoir un accord de Françoise avant que j’en parle à Dario. Il devait réaliser un film mais avec le Covid, le projet a été retardé. Je lui ai présenté les dix pages de scénario, il voulait que le personnage qu’il joue ait une maîtresse. De toute façon, on a fait le film ensemble. J’ai ensuite cherché qui pourrait être leur fils et j’ai pensé à Alex Lutz. Quand on les voit, on ne sent pas qu’ils improvisent ou qu’il y a du texte.

Ces deux cadres en splitscreen, ils se répondent, ils se complètent, ils se reflètent, ils se tournent le dos… C’est une sorte de troisième dimension dans le langage cinématographique ?

C’est comme un peintre qui parfois utilise de la peinture fluorescente, parfois du noir et blanc, et qui mélange des textures. J’ai fait des films en 3D, en plans séquence, il faut s’amuser avec le langage. Je me suis dit que le concept du splitscreen s’appliquait de manière émotionnelle et limpide parce que ce sont des histoires de solitudes partagées et enchevêtrées. Ce n’est pas comme si je forçais une histoire à entrer dans une forme linguistique qui ne lui ressemble pas. Je suis en train de finaliser l’étalonnage et je veux que les couleurs ressemblent à celles de la vie quotidienne, que tout soit presque comme si on voyait un documentaire.