Septembre 1946, les Festivités sont lancées !

Feu d’artifice lors du premier Festival de Cannes © STAFF / AFP

En 1946, au lendemain des évènements historiques qui ont laissé le monde meurtri, la renaissance du Festival de Cannes, dont la première édition avait été empêchée par la déclaration de guerre en 1939, apparait comme une occasion de célébrer l’apaisement, de se réunir et aussi de s’amuser entre nations autour du Septième Art. Grâce à la persévérance de ses organisateurs, la grande fête du cinéma commence enfin!

Le lancement des Festivités

Les premières personnalités arrivent par le train spécial dès le 18 septembre alors que la fête se prépare. Certaines vedettes américaines débarquent même en hydravion dans la baie de Cannes !

Le 19 septembre, la Nouba des tirailleurs Marocains et Sénégalais et une mémorable Bataille de Fleurs lancent les festivités sur la Croisette. A la nuit tombée, un feu d’artifice illumine l’horizon de la Côte d’Azur avant que les réjouissances ne s’épanouissent lors d’une somptueuse réception donnée dans les jardins du Grand Hôtel. La cantatrice américaine Grace Moore entonne la Marseillaise devant une foule émue de renouer avec l’allégresse après des temps douloureux.

Dès le lendemain s’ouvre la Compétition et les projections débutent au Casino Municipal. Une compétition pacifiste, basée sur un idéal d’entente entre les pays participants et dont le règlement reprend les principes établis en 1939. Chaque pays désigne son membre du Jury et les films qu’il souhaite pour représenter sa production. Le nombre de films par pays est établi proportionnellement à la production cinématographique du pays, pendant les douze mois précédant le Festival. Le Jury peut également retirer un film de la compétition s’il l’estime de « nature à blesser le sentiment national d’un état quelconque » (art.7). Enfin et surtout, chaque pays représenté doit repartir avec son « Grand Prix ». (art.10)

Malgré les aléas, une première édition réussie

Lors des premières séances, bien que les films soient présentés « en version originale et sans sous-titre » (art.14), la cohue dans la salle témoigne de l’engouement pour l’événement. Malheureusement, le public peu discipliné ne respecte pas les places qui lui sont assignées et les conditions de projection sont loin d’être optimales. L’aménagement hâtif de la salle de projection reste précaire, on s’impatiente notamment contre un rideau qui ferme mal et laisse passer un jour sur l’écran. Quelques projections sont contrariées, celle d’un court documentaire soviétique sur la libération de Berlin (Berlin de Juli Raisman) par exemple, interrompue plusieurs fois en raison de problèmes techniques. On crie au sabotage politique. Robert Favre Le Bret, secrétaire général qui seconde Philippe Erlanger, doit alors faire montre de ses talents de diplomate et calme la délégation venue d’URSS en organisant une seconde projection.

Témoin de la séance de Notorious (Les Enchaînés), Robert Chazal commentera également non sans humour : « Alfred Hitchcock a trouvé son maître : le projectionniste ajoute au suspens de Notorious en oubliant une bobine.» 1.  Pour sa défense, il faut dire que sa cabine avait été oubliée et que ses assistants étaient recrutés parmi l'équipe de jardiniers de la ville…
Pourtant le premier Festival, avec ses aléas de projection comme autant d’anecdotes cinéphiles, restera dans les mémoires comme un événement réussi, témoin avant tout d’un renouveau cinématographique historique. Cette année-là, on voit poindre sur la Croisette les premières lueurs du Néo-Réalisme Italien avec la projection de Roma Citta Apperta (Rome, Ville Ouverte) de Roberto Rossellini. On découvre Michèle Morgan, toute première lauréate du Prix d’interprétation féminine de l’histoire du cinéma dans La Symphonie Pastorale. La Bataille du Rail de René Clément rend hommage à la résistance des cheminots, et de nombreux films s’inscrivent durablement dans l’histoire du cinéma, Notorious d’Alfred Hitchcock ou Gilda de Charles Cukor en tête, avant que la première édition du Festival de Cannes ne se referme sur la projection de La Belle et la Bête de Jean Cocteau.
 

1-   Le Festival de Cannes, 60 ans d’histoire, Album Officiel du 60e anniversaire, Back stage, Auzou, Paris 2007, p.4 (Année 1946)