À la rencontre des lauréats

Jury et Lauréats, Cérémonie de Clôture 2019 © Eliott Chalier / FDC

Les lauréats de cette 72e édition se sont présentés face à la presse à l'issue de la Cérémonie de clôture pour évoquer leur joie d'avoir été récompensés. Petit tour d'horizon des meilleurs moments.

Bong Joon-Ho, vainqueur de la Palme d'or avec Parasite :

Pendant une conférence de presse, j'avais dit que je faisais référence dans ce film à un code humoristique propre à la Corée du Sud. J'étais persuadé que les spectateurs ne comprendraient pas tous, mais je suis heureux de voir que ce n'est pas le cas. C'est parce que ce film traite d'une histoire de famille. Je mélange les genres, c'est mon style, et c'est pour cette raison que je suis encore plus content de remporter ce prix. Mes influences pour ce film sont Hitchcock, Chabrol, mais aussi Kim Ki-Young, qui a réalisé The Housemaid. Je ne pense pas que je sois le seul réalisateur coréen à pouvoir remporter un tel prix. J'aimerais pouvoir organiser des rétrospectives pour faire briller le cinéma coréen.

Mati Diop, lauréate du Grand Prix avec Atlantique :

J’étais dépassée par la situation. Voir toutes les figures du cinéma du monde devant soi et recevoir ce prix, c’est quelque chose. C’est un film qui vient de loin. Je le porte depuis longtemps. Le sujet est ambitieux, il parle d’une situation qui me semblait importante et je voulais en parler. J’étais très surprise par la nature de l’émotion provoquée. Je sentais les gens touchés. C’est un soulagement, une chance immense. Le tournage était très connecté à la réalité, aux rues de Dakar. Inconsciemment, je voulais garder l’esprit documentaire de ce film.

Ladj Ly, vainqueur ex-aequo du Prix du Jury avec Les Misérables :

Je suis très heureux et fier. C'est une aventure incroyable. Cela faisait dix ans qu'on essayait de monter ce film. Il n'a pas été évident à faire financer. On a dû se battre et c'est pour ça qu'on est heureux. Cela fait vingt ans qu'on est des "gilets jaunes" dans les banlieues, qu'on revendique nos droits, qu'on subit les violences policières. Les causes sont les mêmes, notre combat est le même.

Emily Beecham, lauréate du Prix d'interprétation féminine pour son rôle dans Little Joe, de Jessica Hausner :

Je n'avais aucun idée de ce qu'il allait se passer en montant les Marches ce soir. J'ai ensuite été submergée d'émotions car c'est mon premier prix. Ce que j'ai dû accomplir faire pour ce rôle a représenté un défi. En tant qu'actrice, il fallait que je sois la plus ouverte possible. Il y a quelque chose de bloqué dans le personnage que j'incarne. Nous avons été très précis dans la chorégraphie du tournage. Nous avons respecté un rythme avec la caméra.

Antonio Banderas, vainqueur du prix d'interprétation masculine pour son rôle dans Dolor Y Gloria, de Pedro Almodóvar :

C’est une chose incroyablement unique pour moi. J’ai été nommé à quasiment tous les prix sauf l’Oscar, mais je ne suis jamais monté sur scène. Mon cardiologue a dû s'inquiéter devant son écran ! Almodóvar ? C’est mon mentor, je le respecte beaucoup. J’aurais aimé qu’il soit là aujourd’hui. Je le remercie pour ces quarante années de carrière et ces huit films que nous avons faits ensemble.

Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, vainqueurs ex-aequo du Prix du Jury avec Bacurau :

Nous sommes très heureux de prendre petit à petit conscience que ce film, qu'on a eu en gestation depuis dix ans, a reçu un prix. C'est un honneur. Surtout qu'au Brésil, la culture est gérée par des hommes blancs et tristes. Nous allons continuer à nous placer en prise directe avec la réalité brésilienne. Nous sommes heureux que le film soit reconnu comme un film de genre. Le cinéma va faire l'objet au Brésil de coupes budgétaires sombres. Ce prix arrive à un moment important durant lequel le cinéma brésilien est détruit de l'intérieur.

César Diaz, vainqueur de la Caméra d'or avec Nuestras Madres :

Compte-tenu du sujet du film, j'ai eu besoin de filmer tout en retenue. C'était difficile car j'arrivais à la fin d'un processus. On avait une responsabilité historique face à ce sujet alors on a fait attention. Il fallait que l'on laisse la place à l'émotion du spectateur.

Jean-Pierre et Luc Dardenne, vainqueurs du Prix de la Mise en Scène pour Le Jeune Ahmed :

Nous n’avions jamais eu ce prix. Nous en rêvions. La mise en scène est le cœur du travail que nous faisons. Le cinéma filme la vie, le frémissement des choses, les petites choses qui bougent et les mouvements du corps. On doit beaucoup à notre acteur Idir Ben Addi. Il a un sens du rythme inné et le rythme est très important pour la mise en scène. Il a pris beaucoup de plaisir sur le tournage. Nous avons lancé une flèche, et Idir est cette flèche que nous avons essayé de filmer avec obstination. Un comédien est toujours un troisième, quatrième, cinquième metteur en scène. La mise en scène, c’est trouver comment vivre l’intérieur d’un personnage.

Céline Sciamma, lauréate du Prix du Scénario avec Portrait de la Jeune Fille en Feu :

C’est une année exceptionnelle à vivre. La sélection était très belle, et le palmarès est à son image. Je suis ravie d’en faire partie. L’écriture, ça peut prendre des années. Il y a une énergie de la solitude. J’essaie d’écrire des trajets émotionnels. Le film devait raconter sa propre langue, pour qu’elle devienne celle des spectateurs. Je veux impacter la rétine des spectateurs. Les scènes érotiques peuvent être très joyeuses à tourner, c’est comme faire des petites blagues.