André Bonzel, une vie (de cinéma) retracée

Photo du film Et j'aime à la fureur © DR

 

Dans Et j’aime à la Fureur, le co-réalisateur du cultissime C’est arrivé près de chez vous (1992) évoque son existence et son amour du 7e Art au travers d’un malicieux montage d’images personnelles et amateur mis en musique par Benjamin Biolay. Un témoignage introspectif au cours duquel il revisite également son histoire familiale.

Comment vous est venue l’idée de ce film ?

J’ai ressenti l’envie de partager ma passion pour les films amateur que je collectionne. Ce sont des objets cinématographiques vraiment singuliers. Ces anonymes ont filmé des bribes de leurs vies, quelquefois maladroitement, mais la pellicule enregistre les sentiments. Je trouvais dommage de les laisser rangés sur des étagères. J’avais aussi un désir de faire un film à tout prix. J'ai commencé en 2014 en faisant l’acquisition de pellicules spécialement pour le réaliser.

De quand date votre obsession pour les films amateur ?

J’avais 15 ans. Le père d’un ami nous projetait des films de Keaton et de Chaplin pendant les vacances et j'ai tout de suite voulu faire la même chose. Je voulais avoir un projecteur et des films. Ma passion du cinéma passait par le désir d'en faire, mais aussi d'en acquérir.

D’où proviennent les pellicules que vous avez utilisées ?

Certaines appartiennent à ma famille. D’autres sont des films en Super 8 que j’ai tournés quand j’avais l’ambition de faire du cinéma. Et il y a ceux que j'ai achetés, notamment aux puces. J’ai travaillé avec du Super 8, du 9.5 mm ancien – certains datant des années 1920 -, du 35 mm, et du 16 mm.

La sélection des séquences a dû nécessiter un travail dantesque…

Il me fallait parfois en parcourir des centaines peu intéressantes avant d’en dénicher une qui collerait au récit. Le propre des films amateur, c'est qu'on a parfois des choses interminables et mal filmées. Et soudain, on découvre des merveilles. Curieusement, le cinéma amateur trouve des résonances aujourd'hui. Il est désormais possible de tourner des images de très bonne qualité avec son téléphone. Cela questionne ce qu'on filme et par extension, ce qu’il va rester de nos vies.

Quel a été votre fil conducteur ?

Ma trame a été que tous les personnages partagent le même désir de vouloir faire du cinéma. J'ai sélectionné les films qui devaient être numérisés et j’ai monté moi-même un premier bout-à-bout de trois heures. J'ai ensuite travaillé avec deux monteurs successifs. Il m’a parfois fallu me faire violence pour laisser de côté certains personnages.

Qu’avez-vous cherché à montrer au travers de ce film ?

Ma vérité. Je voulais raconter ma vie et l'histoire de ma famille, que je connais très mal. Ma mère venait d'une famille très chrétienne dans laquelle on ne parlait pas beaucoup, donc j’avais peu de documents. Je me réconcilie un peu avec mon histoire familiale grâce à ce film.

La musique de Benjamin Biolay est un personnage à part entière…

Benjamin a été d'une classe folle et d'une générosité sans limite. Il m'a demandé ce que je voulais et je lui ai donné des directions en l'invitant à se faire plaisir. On est resté sans nouvelles de lui pendant un moment et soudain, il est arrivé avec des morceaux superbes. Il y a plusieurs moments de grâce entre la musique et les images. Sa collaboration a été un cadeau.