Another Day of Life, le front angolais par Ryszard Kapuściński

Photo du film Another Day Of Life © DR

Biopic passionnant, Another Day of Life décrit le cauchemar de la guerre en Angola en 1975 à travers les yeux de l’un des plus grands reporters de l’histoire, le polonais Ryszard Kapuściński. Documentaire et film d’animation présenté en Séance Spéciale, il est adapté du livre D’une guerre l’autre : Angola, 1975, l’œuvre la plus personnelle du journaliste devenu auteur, que Gabriel García Márquez n’hésita pas à qualifier de  « meilleur correspondant de guerre du XXe siècle ». Dix années de labeur pour les réalisateurs Raúl de La Fuente et Damian Nenow, qui ont travaillé main dans la main pour conter cette histoire vraie.

Kapuściński a évoqué d’innombrables sujets tout au long de sa prolifique carrière. Pourquoi avoir choisi d’adapter son livre de 1976 sur le conflit en Angola ?

Raúl: Ce livre était le favori de Kapuściński, et c’est aussi le mien. La chronique désespérée d’un reporter en zone de conflits, à la limite de sa force, qui lutte pour survivre et trouver la vérité dans le chaos d’une guerre floue. Ce film est un voyage hallucinatoire au cœur des ténèbres, un conte de Guerre Froide et d’espionnage palpitant.

Damian: J’ai toujours admiré la poésie et la créativité de l’écriture de Kapuściński, sa perception humaine et virtuose du monde. Avec ce livre, le reporter devient écrivain. D’une certaine façon, nous avons eu la sensation d’utiliser les mêmes méthodes que lui, nous nous sommes concentrés sur son voyage et à travers ce prisme, nous avons tenté de révéler quelque chose d’universel sur le monde dans lequel on vit.

Vous montrez que Kapuściński accordait une grande importance à sa responsabilité de reporter de guerre. A t-il été forcé de retenir des informations à plusieurs reprises au long de sa carrière ?

Damian: En Angola, Kapuściński s’est retrouvé dans une position où chacune de ses actions intensifiait le chaos de la guerre, le « Confusão ». Cette situation l’a d’une certaine façon poussé à chercher une nouvelle forme d’écriture.

Raúl: Kapuściński écrivait pour casser les stéréotypes. Pour lui, le vrai journalisme est intentionnel, il vise un objectif et tente de générer une sorte de changement. Vous devez choisir votre camp pour informer le monde comme cela.

Le film rend hommage à la charismatique guérilléra Carlota, qui était-elle?

Raúl: Elle était une jeune leader idéaliste. Mulâtre, féministe, elle rêvait d’une société libre et égalitaire. Pour Kapuściński, Carlota représentait les valeurs les plus pures de la lutte pour la liberté.

Another Day of Life montre Kapuściński dans l’exercice de ses fonctions de reporter, quelle était sa personnalité?

Damian: Kapuściński était un homme extrêmement humble et charmant. Il comprenait, respectait et faisait confiance à n’importe quelle personne sur terre, au-delà des différences culturelles et religieuses. Il avait aussi cette arme spéciale, son sourire. La légende veut qu’il était capable de désarmer des soldats rien qu’en leur souriant. Nous avons étudié ses interviews. Son secret, c’était le timing. Il souriait progressivement, élargissant son sourire pendant de longues minutes, et ne se figeait à aucun moment.

Raúl: Il était intelligent, cultivé, un excellent interlocuteur, passionné et, par-dessus tout, empathique. Cela le conduisait à vivre aux côtés de ses protagonistes, à grimper sur des camions déglingués, à traverser les fronts contrôlés par les ennemis, à désobéir aux ordres des supérieurs et chefs militaires. Sa mission : dire la vérité. Et son objectif : changer les injustices.