BAC Nord : l’interview de Cédric Jimenez

Photo de tournage du film BAC Nord © DR

 

De bons flics qui ont donné une mauvaise image de la police. En 2012, dans les quartiers nord de Marseille, une affaire défraie la chronique. Des policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) sont arrêtés pour racket et vol de drogue en bande organisée. L’affaire est très médiatisée à l’époque, politisée. De son côté, Cédric Jimenez est intrigué par cette histoire, comme bon nombre de Marseillais. Lui vient alors l’idée d’écrire une fiction inspirée de cette affaire, il la baptise BAC Nord. Fruit d’un travail de préparation minutieux, le film est présenté Hors Compétition au Grand Théâtre Lumière. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de ce scandale un film ? 

Je suis né dans ces quartiers, je les connais bien. Je connais leur atmosphère et le rapport qu’ont les habitants avec la police. Les policiers n’y font pas le même métier que dans le centre-ville d’une petite ville, les codes sont très différents. Ils ressemblent plus aux gens qu’ils côtoient toute la journée qu’aux citoyens modèles qu’ils devraient être. Ce qui m’a aussi intéressé, c’est le rôle des médias dans l’affaire de la BAC Nord. Ils ont monté cette affaire très haut, jusqu’à Manuel Valls [ministre de l’Intérieur à l’époque], cette récupération politique a alimenté le scandale. On a parlé de trafic de drogue en bande organisée, de la BAC qui a pris le pouvoir sur les trafiquants. Je commençais à me dire que ça paraissait gros comme histoire. Ça m’a intéressé de creuser la frontière entre les accusations et la réalité des faits.

« Il y a une question récurrente dans mon cinéma, c’est celle de la machine qui broie l’individu, quel que soit son comportement. »

Mais mon travail, ce n’est pas de juger. J’ai cherché à vivre l’affaire comme eux l’ont vécue, à leur hauteur, avec leur regard, sans aller au-delà.

Vous avez rencontré trois des policiers mis en cause dans l’affaire, ici incarnés par Gilles Lellouche, Karim Leklou et François Civil. À quel point ces échanges ont-ils nourri le film ? 

Beaucoup. Ils savaient que tout n’était pas nickel dans leur comportement mais ils ont été dépassés par l’ampleur de cette affaire. Ils ont été jugés pour trafic de drogue international après cet emballement médiatique et politique. Ils ont été submergés, ça a été très compliqué.

« Coupables ou innocents, ce qui m’intéresse, c’est l’humain pris dans ce genre de crises. Je décortique l’affaire d’un point de vue humain. »

Dans le film, il y a cette scène d’assaut policier de la cité qui rappelle les films de guerre. Quelles références aviez-vous en tête ?

Je n’avais pas de références autres que ce que je ressentais quand on m’en parlait. Lors d’interventions dans ces grosses cités, il y a de la peur des deux côtés. Ça peut ressembler à un champ de bataille, les risques sont élevés, aucun camp ne veut renoncer. Les moyens déployés par la police sont quasi militaires mais en face aussi il y a des armes. On m’a raconté plusieurs opérations, dans les deux camps, et j’en ai fait un mix pour créer une scène riche avec mon ressenti, à savoir une électricité, une peur mutuelle, on est dans un combat.

Votre prochain film, Novembre, lui aussi s’intéresse à la police mais dans un contexte tout à fait différent. Il s’agit des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

C’est une plongée au cœur de la SDAT, la sous-direction antiterroriste, pendant les cinq jours qui ont suivi les attentats. Je reste sur le point de vue des enquêteurs, on n’est jamais dans les attentats. C’est un film qui raconte la vie et le tsunami qu’ils ont pris sur la gueule quand c’est arrivé. Ils n’ont pas dormi, ils étaient tout le temps sur le pont. Leur responsabilité était énorme parce que l’échec n’était pas une option. Le film raconte cela avec Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain, Anaïs Demoustier, Sofian Khammes et Jérémie Renier.