La Civil, le regard de Teodora Ana Mihai

Photo du film La civil © Menuetto - Agustin Paredes

 

Dans La Civil, son premier long métrage sélectionné à Un Certain Regard et en lice pour la Caméra d’or, la réalisatrice Belgo-roumaine Teodora Ana Mihai narre l’histoire de Cielo, une mère qui tente de retrouver sa fille après qu’elle eut été kidnappée par des membres d’un cartel mexicain.

Comment est né votre film ?

J’ai mené des recherches sur la guerre des drogues au Mexique et choisi de l’aborder du point de vue d’un adolescent. En 2015, j’ai rencontré Miriam Rodriguez, dont l’histoire est devenue célèbre après sa mort tragique deux ans plus tard. J’ai alors pensé qu’il serait plus intéressant de donner au film un point vue maternel. C’est elle qui m’a inspiré le caractère courageux de Cielo.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Une des premières choses qu’elle m’a dite est : « lorsque je me réveille le matin, j’ai envie de tuer ou de mourir ». Ses mots m’ont fait l’effet d’une claque. Je me suis demandée ce qu’elle avait pu traverser pour en arriver à de telles conclusions.

Quelle était l’atmosphère sur le tournage ?

Tendue et stressante en raison des restrictions liées au Covid et du risque que mon actrice principale, qui est de tous les plans, soit testée positive. Mais elle a été très disciplinée et précautionneuse. Nous avons tourné sans retard malgré les obstacles au Mexique dans l’État de Durango, une région qui possède la lumière la plus magnifique du pays. Et boucler deux scènes cruciales dans le ranch de John Wayne situé à La Joya, où il a réalisé ses quatre derniers films. La Civil a d’ailleurs parfois un air de western. Nous avons souvent plaisanté en disant que nous réalisions « un narco Western ».

Comment avez-vous choisi vos acteurs ?

Le casting et une partie des répétitions ont eu lieu en ligne en raison du confinement. Je pense que ce genre de circonstances exceptionnelles aide les gens à se surpasser de façon positive. Cela les rend plus concentrés et prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes. Arcelia Ramirez porte le film sur ses épaules. Elle est très sensible à la direction, très perspicace et en même temps si sensible. Sur le plateau, il y a eu un grand dévouement car de nombreuses personnes travaillant sur le film avaient en fait été touchées par des situations similaires dans leur famille ou leur cercle d'amis.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ?

Mon père, par sa passion contagieuse pour la photographie. Tarkovski, par ses merveilleuses images poétiques. Agnès Varda par son talent, sa persévérance et sa voix unique. Et les Frères Dardennes et Cristian Mungiu, l'un des précurseurs de la Nouvelle Vague roumaine. Ce n'est pas un hasard s'ils coproduisent mon film car nous avons beaucoup d'affinités visuelles et thématiques…

Quel regard portez-vous sur le cinéma de votre pays ?

Je suis née en Roumanie et j’ai été élevée en Belgique. « Mes deux pays » m'ont tous apporté un héritage audiovisuel et culturel qui rend ma voix un peu atypique mais authentique.

Avez-vous un nouveau projet en cours ?

Il est pour l'instant intitulé Family Album. L'histoire se déroule entre la Roumanie et la Belgique et s'inspire des histoires de diaspora que j'ai entendues au fil des ans. Je travaille à nouveau au scénario avec l'écrivain mexicain Habacuc Antonio De Rosario, avec qui j'ai collaboré sur La Civil.