La Traversée, entretien avec Romain Goupil

Photo du film La Traversée (On The Road In France) © DR

Cinquante ans après Mai 68, les Français Romain Goupil et Dany Cohn-Bendit partent à la découverte de la France et proposent une mosaïque de ses habitants dans La Traversée. Le documentaire, tourné sous forme de road trip, est présenté en Séance Spéciale.

Comment avez-vous procédé à la réalisation de ce documentaire ?

Tout a commencé en 2017, lors de longues conversations avec Dany Cohn-Bendit et Georges-Marc Benhamou, le producteur de La Traversée, sur ce qui nous semblait constituer la France : les usines, les fermes, le service public, l’hôpital, le travail, le chômage, la variété des paysages. À l’issue de nos discussions, nous avons décidé de prendre deux caméras légères et sommes partis de février à octobre, parcourir 15000 kilomètres pour observer, écouter et découvrir.

Quel souvenir gardez-vous du tournage de La Traversée ?

Je garde le souvenir de longues balades et de rencontres imprévues. Lors du tournage, nous avons été aux aguets en permanence, et nous avons porté une très grande attention aux autres.

Après avoir parcouru la France, quel constat en faites-vous ? Que reste-t-il de mai 68 dans notre société actuelle ?

Nous avons découvert une France hospitalière et accueillante. C’est un pays disposé à chercher des solutions aux différents problèmes rencontrés. Mai 68 fait partie des acquis, c’est une révolte qui a constitué la France telle qu’elle est aujourd’hui.

Emmanuel Macron apparaît également dans votre documentaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette scène ?

Nous avons pensé qu’en suivant le principe du film, c’est-à-dire traverser la France pour rencontrer nos personnages, il serait amusant de discuter avec ce tout jeune et nouveau Président. Il a tout de suite été d’accord pour participer au projet. Nous avons tourné avec lui comme avec tous les autres intervenants. Le Président devient ainsi l’une des rencontres du film.

Quand je réalise tout ce que le Festival a accompli depuis mai 68, cela me rend fier.

Quel jeune étiez-vous en 1968 ? Que revendiquiez-vous ?

Au lycée, en mai 68, j’étais l'un des responsables du Comité d’Action Lycéen qui, avec le mouvement du 22 mars et Dany Cohn-Bendit, a été le fer de lance de cette immense révolte et de la plus grande grève ouvrière du monde, ayant engendré dix millions de grévistes sur une période d’un mois. Nous revendiquions la fin d’une société d’ordre moral paternaliste issue du 19e siècle.

Mai 68 à Cannes s’est traduit par l’interruption du Festival. La contestation y est arrivée avec François Truffaut et Jean-Luc Godard entre autres, qui appelaient à la solidarité avec le mouvement étudiant et ouvrier. Qu’a représenté ce signal pour vous ?

Quand je réalise tout ce que le Festival a accompli depuis mai 68, cela me rend fier. Je suis fier quand j’apprends que Mourir à 30 ans, film hommage à mon ami Michel Recanati, obtient la Caméra d’or en 1982, quand le Festival se solidarise avec les étudiants ou encore quand notre film La Traversée y est sélectionné et projeté. Depuis 50 ans, le Festival me rend fier.

Quel était l’enjeu social dans le cinéma à cette période ?

Nous pensions que le cinéma devait édifier les masses pour les préparer à la prise du pouvoir. C’était une vaste erreur…