Les bonnes étoiles de Kore-Eda Hirokazu, radioscopie familiale au berceau

Immersion dans une cellule familiale dysfonctionnelle. Dysfonctionnelle, atypique ou finalement très normale, selon la perception. Caustique et délicat, Kore-Eda Hirokazu offre un nouvel aperçu de la famille et montre une fois de plus son appétence pour les tâtonnements de l’enfance et la solidarité des fratries. Nobody Knows (2004) abordait l’histoire vraie d’une famille de quatre enfants abandonnés par leur mère, Une affaire de famille mettait en scène les Shibata, clan de voleurs recomposé en famille unie par les liens de l’argent. Dans Broker, le réalisateur décline son thème de prédilection dès le berceau, avec l’exploration du phénomène des « baby boxes », sortes de cocons sécurisés dédiés à l’abandon des nourrissons dont le premier a vu le jour à Séoul en 2010 à l’initiative d’un pasteur.

Pour explorer ce phénomène en expansion depuis le durcissement de la loi coréenne sur l’adoption qui impose aux mères célibataires de décliner leur identité, le metteur en scène s’est donc envolé vers la Corée du Sud. Un second exercice immersif pour le Japonais qui n’avait filmé qu’une fois au-delà de ses frontières, avec La Vérité en 2019. Broker est tourné en coréen, avec des comédiens aussi cultes que Song Kang-ho, star de Snowpiercer, le Transperceneige (2013) et Parasite (Palme d’or, 2019), ou Bae Doo-na, actrice des films de Park Chan-wook ou des sœurs Wachowski. Le tragique y côtoie la grâce, comme souvent dans l’œuvre du virtuose de la vraie vie au cinéma.