Mi Iubita, Mon Amour, le cri d’amour et d’amitié de Noémie Merlant

Photo du film Mi iubita mon amour © Nord-Ouest Films

 

Deux ans après avoir triomphé dans Portrait de la Jeune Fille en Feu, de Céline Sciamma, Noémie Merlant revient à Cannes par la grande porte avec son premier long métrage. Présenté en Séance Spéciale, Mi Iubita, Mon Amour met en scène Jeanne, une jeune femme sur le point de se marier qui part fêter son enterrement de vie de jeune fille en Roumanie. Là, elle rencontre Nino le temps d'un début d'été passionnel.

Comment est né ce film ?

Mi Iubita, Mon Amour est né d'un élan d’amitié. Avec les actrices qui en sont à l’affiche et Gimi-Nicolae Covaci, nous nous sommes rencontrés et liés sur le tournage de Shakira, mon précédent court métrage. À mesure qu’on passait du temps ensemble à parler de cinéma, l’envie de réaliser un long métrage est apparue. Un été, Gimi nous a tous invitées chez lui en Roumanie et nous nous sommes dit que c’était le moment idéal pour concrétiser le projet. Il a eu l’idée que notre rencontre à tous et notre histoire d'amour à tous les deux soit le point de départ de ce récit.

Depuis quand l’idée d’un long métrage vous trottait dans la tête ?

Depuis un certain temps déjà. Mais je ne me sentais pas légitime. Réaliser Shakira m'a apporté une expérience concrète et donc plus de confiance. Le soutien de mon groupe d’amies et de Gimi a également été crucial. Sans eux, Mi Iubita, Mon Amour n’existerait pas. Nous nous sommes tous mis au travail dans une urgence créatrice. Il était trop tard pour engager une vraie production et je sentais que c’était maintenant ou jamais. Cette méthode sauvage était en accord avec l’histoire qui naissait : une histoire de liberté, de fulgurance, d’impulsion.

C’est une histoire d’amour, mais aussi de consentement…

Je pense que les rapports de force sont toujours latents. Il y en a toujours forcément. Le tout est d'en avoir conscience et de ne pas les utiliser, de les désamorcer. On a voulu inverser un peu les codes de représentation en montrant un amour qui ne s’explique pas et qui est exempt d'emprise. J'avais envie de parler d'amour sans conflit.

Vous évoquez aussi la communauté Rom…

Dans le film, les filles deviennent celles qui sont étrangères et démunies. Et la famille de Nino celle qui accueille. Nous sommes toujours l’étranger de quelqu’un. Il suffit de très peu pour se sortir d’un schéma de déshumanisation sociale. Avec Gimi, nous voulions parler de la communauté Rom pour bousculer les préjugés et montrer les êtres humains que nous sommes avant les clichés.

Avec quels moyens techniques avez-vous tourné ?

L'équipe technique, c'est seulement une chef opératrice et une ingénieure du son ! Au départ, je ne savais pas ce que nous pourrions faire techniquement sur place. Nous n’avions pas de lumière. J'avais simplement le souhait de tourner caméra à l’épaule, d'aller saisir des instants parce que même si le scénario était écrit, on laissait place à l'improvisation. On découvrait les décors au jour le jour. J'avais très envie de jouer avec le cadre et le hors cadre. Pour moi, le film parle de sortir de son cadre. Ensuite, je voulais que ce soit lumineux, qu'on sente la chaleur et l’été, que la caméra soit vivante et vibrante avec les personnages. Pour moi, ce film est autant un cri d'amour et d'amitié que de cinéma.

Il était acté dès le départ que vous deviez apparaître à l’écran ?

Je me suis posé la question, mais Gimi n'avait pas envie que ce soit quelqu'un d'autre. Cela tient tellement à l’intimité de notre groupe qu’il aurait été difficile d'engager une autre actrice. Nous avions peu de temps et de moyens. C’est pour cette raison que j'ai peu de répliques dans le film : parfois, je donne à mes acteurs des indications pendant les scènes. Cela ne se voit pas à l’image parce que je suis de trois quarts dos ou parce que je leur dis à l'oreille… On n'avait pas le choix !