Montand est à nous : l’inventaire à la Prévert d’Yves Jeuland et Vincent Josse

Photo du film Montand est à nous © Steve Schapiro / Gettyimages

 

Après Charlie Chaplin, le génie de la Liberté, le documentariste Yves Jeuland se penche, aux côtés de Vincent Josse, sur la vie flamboyante d’un autre mythe : Yves Montand. Montand est à nous est produit par Félicie Roblin.

Dans ce documentaire, vous explorez un mythe de votre enfance : quels aspects de sa personnalité vous fascinent ?

Auparavant, je me contentais de glisser Montand par touches plus ou moins subliminales dans mes films, mais jamais frontalement. Cette fois, j’empoigne enfin le héros de ma vie.

Depuis mon adolescence, cette passion ne m’a pas quittée. Même si on a toujours écouté Montand dans ma famille, tout a vraiment commencé lorsque j’avais 13-14 ans, avec le double album de l’Olympia 81 que mes parents m’ont offert pour Noël. Une révélation. C’est un disque que j’écouterai en boucle. Donc Montand, pour moi, c’est d’abord une voix. C’est d’abord la chanson. Puis il y a eu la politique. Et puis le cinéma.

Je ne l’ai malheureusement jamais interviewé, je lui ai juste posé une question en direct sur France inter, dans l’émission Le téléphone sonne. C’était en 1986. Trois ans plus tôt, je l’avais rencontré place Dauphine, à Paris. Mais j’avais été incapable d’articuler trois mots. Trop impressionné. J’avais quinze ans. Vincent Josse, lui, a pu l’interviewer longuement à l’occasion d’un mémoire d’étudiant qu’il lui a consacré. Combien j’aurais aimé être à sa place !

Montand est à nous plonge dans plusieurs facettes de sa vie : quel aspect avez-vous souhaité mettre en valeur en priorité ?

Ce film à la première personne est un inventaire à la Prévert. Un inventaire affectif, pas un catalogue exhaustif. Nous avons fait des choix. Des choix forcément subjectifs. Mais sachez que nous avons puisé généreusement dans sa discographie comme dans sa filmographie. Dans des entretiens peu connus également. Le plaisir et l’émotion ont guidé nos choix. La nostalgie aussi parfois.

Vous travaillez avec beaucoup d'images d'archives, certaines sont-elles inédites ?

Oui, comme pour mon documentaire sur Chaplin, on pense que tout a déjà été montré, et puis non ! Je pense notamment à de magnifiques prises de vues de Montand et Simone Signoret à Saint-Paul de Vence, en 1950, juste après leur rencontre. 

Et grâce à Eric Le Roy des Archives Françaises du Film, j’ai eu accès aux rushes inédits d’un court métrage militant de Yannick Bellon, tourné en 1955 : La Maison du Bonheur qui s’intitula finalement Un matin comme les autres. C’est le tout premier film qui réunit Simone et Montand, avant même le tournage des Sorcières de Salem. Il a été produit par Procinex, société proche du PCF. L’image est signée Henri Alekan. C’est un petit trésor.

Je pourrais aussi vous citer des photographies, dont certaines m’appartiennent. Je pense à Montand avec Brassens et Mouloudji, ou bien en compagnie des Frères Jacques.

Et puis il y a les rushes si précieux et inexploités du making-of de Jean de Florette et Manon des Sources, tournés par Serge Viallet en 1985 ! Serge filme Yves Montand lors de la séance de maquillage : pour le rôle du Papet, on doit le vieillir de dix ou quinze ans. Son reflet dans la glace plonge Montand dans des affres existentielles. Découvrir ces images fut pour nous un formidable cadeau.