Moulin Rouge, quand le cancan prenait des couleurs

Photo du film Moulin Rouge © DR

Neuvième long métrage de John Huston, Moulin Rouge et ses couleurs sont à redécouvrir à Cannes Classics en copie restaurée. Le film explore les dix dernières années de la vie tourmentée de Toulouse-Lautrec, portraitiste de la bohème montmartroise peint ici sous les traits de l’acteur José Ferrer. À sa sortie en 1952, l’œuvre fut louée pour ses décors, costumes, maquillages, ainsi que pour son usage novateur du Technicolor. 

Pensé pour être au plus proche de l’univers pictural de Toulouse-Lautrec comme une affiche animée, le film s’octroie les talents du photographe du magazine « Life », Eliot Elisofon, nommé consultant couleur, et du directeur photo Oswald Morris. Par la suite, « Ossie » Morris contribuera au succès de huit autres films de John Huston. Immédiatement séduit par sa sensibilité, le réalisateur ne cessera à l’avenir de chanter ses louanges. Entouré de ces collaborateurs d’exception, John Huston réalise un travail audacieux et d’une grande minutie, parvenant ainsi à maintenir une unité de ton sur toute la longueur du film.

Aux couleurs vives et jugées « criardes » que les studios ont coutume d’utiliser avec le procédé Technicolor, John Huston privilégie en effet les palettes subtiles d’Eliot Elisofon : bleu-vert absinthe pour le personnage de Toulouse Lautrec, rose délicat pour le mannequin Myriamme incarné par Suzanne Flon, ou encore pourpre pour Marie, prostituée interprétée par Colette Marchand. Et Morris d’ajouter un filtre de brume à ces compositions raffinées, pour obtenir une gamme chromatique digne des tableaux du peintre, aux grandes heures du mythique cabaret. 

Si le film reçut un accueil partagé, tout le monde s’accorda sur un point, l’exceptionnel rendu visuel : « une partie musicale est offerte à l’œil », s’emballera le New York Times.