Rencontre avec Léa Seydoux, membre du Jury des Longs Métrages

Léa Seydoux - Membre du Jury des Longs Métrages © François Silvestre De Sacy /FDC

 

Léa Seydoux est déjà venue pour sept films au Festival de Cannes, parmi lesquels La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche, Palme d’or 2013. Avec Robert Guédiguian, la belle interprète porte les couleurs de la France au sein du Jury des Longs Métrages présidé par Cate Blanchett. Elle nous parle toutefois de l’importance de dépasser les frontières. Interview.

Comment abordez-vous votre rôle de membre du Jury de cette édition ?

Avec beaucoup de sérénité, même si je prends mon rôle très à cœur. Je suis aussi très curieuse de l’avis des autres membres du Jury qui me permettent de réfléchir sur le cinéma, sur moi-même et sur mon rapport au monde, à l’art… La relation nouée avec eux est très intense. On débat énormément, et ça pourrait durer des heures. Les émotions ressenties en tant qu’actrice et membre du Jury sont très fortes, c’est fou ce qu’on peut traverser, cette diversité de films, incomparables entre eux. Le Festival de Cannes permet vraiment de vivre le cinéma au jour le jour.

Posez-vous un regard d’actrice sur ces films ?

Non, car pour moi le jeu des acteurs n’est pas forcément lié à l’émotion du film. Par exemple, les films de Robert Bresson sont très émouvants, alors qu’on ne peut pas dire que ses acteurs soient les meilleurs. Après, je différencie bien sûr, cela va dépendre du metteur en scène : certains sont excellents dans la mise en scène, d’autres dans la réalisation, d’autres dans la direction d’acteurs…  Un film réussi concentre tous ces éléments, avec une homogénéité certaine.

Quel type de présidente est Cate Blanchett ?

Je l’admire, elle est un modèle. C’est très agréable d’être intimidée par elle. Très réceptive et sensible, elle place tout le monde sur un pied d’égalité. Et je sens qu’elle nous aime, ce sont des rapports affectueux. Je suis très fière d’avoir une présidente du Jury, que ce soit une femme, et elle en particulier.

On évoque souvent La Vie d’Adèle, superbe Palme d’or, mais vous, quel film aimeriez-vous défendre ? 

J’en affectionne plusieurs, je ne sais pas si je pourrais en choisir un. Mais certains de mes films ont une thématique qui me touche plus. Même en tant que membre du Jury, je vois bien qu’il y a des sujets qui résonnent en moi. Les films qui ont un rapport à la famille et à la maternité sont toujours pour moi des sujets brûlants. Comme un metteur en scène qui peut avoir des sujets récurrents, j’ai l’impression qu’en tant qu’actrice, j’ai des sujets qui me bouleversent. Peut-être qu’un jour je m’en détacherai, mais pour l’instant ce sont les liens du sang qui m’interpellent.

Votre carrière a pris une tournure internationale, quel regard portez-vous sur la France depuis l’étranger ?

Parfois, la France peut être intimidante, on peut vite s’y sentir jugé. Avoir une porte sur l’international ouvre des perspectives. C’est une respiration. Quand je tourne en français, c’est plus intime et je me sens plus à nue, à vif, alors qu’il y a plus d’amusement en anglais. Les anglo-saxons sont moins dans le jugement au travail. On a la possibilité d’arriver vierge, alors qu’en France on est tout de suite rattaché à son milieu, classé dans une catégorie. J’aurais été très triste d’être une actrice française qui ne tourne qu’en France.

Quelques souvenirs marquants du Festival ?

Quand j’ai reçu la Palme d’or ! C’était incroyable, c’était fou. Tout était fou, le Prix, tout. Cette année 2013, j’avais un autre film présenté au Certain Regard (Grand Central de Rebecca Zlotowski) et j’étais restée à Cannes. Le Festival était un peu morose, il n’y avait pas d’élan. Et tout à coup, il y a eu la projection de La Vie d’Adèle, ce film que j’avais fait, qui avait été difficile à faire, un investissement de toute part. Parfois, on s’investit dans un projet qui n’aboutit à rien alors qu’il a demandé beaucoup. Il n’y a pas de règles, mais là non. Tout était d’un coup comme aligné, exceptionnel. J’avais tellement peur, car il faut se remettre dans le contexte, on s’y était mises à nu au sens propre comme au figuré, et la réaction aurait pu être très violente. Je me disais, ça va être un carnage. Et tout à coup, ça a été un raz de marée. Le fait que le film emporte un tel succès, que les gens se déchainent, le Festival a pris et explosé, tout le monde en parlait. Je sentais qu’on avait marqué l’histoire du cinéma et même notre temps, parce que c’était l’époque des manifestations sur le Mariage pour tous. On était en symbiose avec ce qui se passait politiquement, je sentais qu’on avait participé à une nouvelle étape de l’histoire.