Rencontre avec Rebecca Hall, membre du Jury des Longs Métrages

Rebecca Hall, membre du Jury Longs Métrages © Maxence Parey / FDC

Elle s’est révélée devant la caméra de Christopher Nolan et de Tom Vaughan en 2006, puis a crevé l’écran deux ans plus tard aux côtés de Scarlett Johansson et Javier Bardem dans le Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen. Depuis, Steven Spielberg, Stephen Frears, Patrice Leconte, Ben Affleck ou encore Ethan Coen l’ont dirigée. Après une trentaine de films, Rebecca Hall a mis entre parenthèse son métier d’actrice en 2021 pour réaliser Clair-obscur, son premier long métrage. Membre du Jury des Longs Métrages aux côtés de Vincent Lindon, elle se confie sur son parcours.

De quelle façon avez-vous débuté à l’écran ?

J’ai débuté en 1992 dans The Camomile Lawn, une mini-série britannique de cinq épisodes réalisée par mon père. J’avais 9 ans et il ne souhaitait pas que j’y participe. C’est compliqué de choisir d’exposer ainsi son enfant et votre premier instinct de parent est de l’en protéger. Mais un jour où je patientais dans la pièce où se menaient les auditions avec les producteurs, ils m’ont proposé de faire un essai. Trois-cent jeunes filles avaient défilé sous leurs yeux et toutes avaient été éconduites. Ils m’ont montré les répliques et j’ai accepté de les lire devant eux. J’ai ensuite réalisé des tests devant la caméra. C’est donc cette série qui a lancé ma carrière.

 

Quel rapport entreteniez-vous alors avec le cinéma ?

J’en étais déjà éperdument amoureuse. Mais mon rêve n’étais pas de devenir actrice : c’était la réalisation. J’avais grandi dans ce milieu et mon vœu le plus cher était de faire des films. C’était ma grande ambition et j’ai toujours su qu’un jour ou l’autre, j’allais y parvenir.

 

Quand vous êtes-vous dit qu’il était temps de réaliser votre rêve ?

J’ai écrit le scénario de Clair-obscur il y a quinze ans, mais il était impossible pour moi de réaliser le film plus tôt. Il est basé sur Passing, une nouvelle de Nella Larsen, mais c’est aussi l’histoire de ma mère et de mon grand-père, qui étaient des afro-américains vivant à Détroit. Ils sont tous les deux décédés aujourd’hui. Lorsque j’ai lu la nouvelle, son histoire a résonné en moi de façon très puissante. Je me suis assise et j’ai écrit le scénario. J’avais 25 ans et je n’étais pas prête à me lancer. Lorsque j’ai senti que le moment était venu, j’ai mis huit ans à le réaliser. Cela fait donc huit ans que je pense que c’est mon heure ! Mais au début, personne n’y a cru. En réalisant ce film, mon rêve est devenu réalité ! J’ai envie de renouveler cette expérience. C’est désormais mon ambition la plus importante.

 

Et la Rebecca Hall actrice ?

Je n’ai pas abandonné l’idée de continuer à exercer mon métier d’actrice. Jusqu’alors, j’ai expérimenté pas mal de spectres différents et j’ai adoré ça. Mais j’aimerais revenir à quelque chose de plus proche de mon expérience sur Vicky Cristina Barcelona.

« Jouer au théâtre m’a appris qu’il est important d’aborder une histoire dans sa globalité pour comprendre son personnage. »

Revenons à vos débuts. C’est un certain Christopher Nolan qui vous a révélée…

Assez rapidement, j’ai eu des expériences au théâtre. Mais le vrai point de départ au cinéma s’est effectivement noué aux côtés de Christopher Nolan pour Le Prestige (2006). J’ai enregistré une audition sur une cassette vidéo et je lui ai envoyée. Le lendemain, il m’a convoquée pour jouer une scène improvisée avec Christian Bale. Ce qui m’arrivait était complètement dingue ! Le casting était déjà bouclé. Il y avait aussi Hugh Jackman, Michael Caine et David Bowie. J’avais également réussi à décrocher un rôle dans Starter for 10, de Tom Vaughan. Le grand saut a eu lieu cette année-là pour moi.

 

Quel souvenir gardez-vous du tournage du Prestige ?

Je crois que je n’oublierai jamais mon premier jour sur le plateau. Il y a une scène très intense vers la fin du film dans laquelle Christian Bale et moi nous disputions. C’était le premier jour du tournage du film, mais aussi ma première fois sur un plateau de cinéma ! J’avais rencontré Christian Bale une fois et nous n’avions jamais répété la scène. J’entends encore Christopher Nolan nous dire : « Improvisons ! ». Je n’ai jamais eu autant la frousse de ma vie !

 

Quel rôle vous a changée ?

Je ne sais pas… Il faut dire que je suis une personne très flexible. En tout cas, je ne suis absolument pas la jeune américaine hyper sexualisée de Vicky Cristina Barcelona. J’ai d’ailleurs mis un certain temps à me débarrasser de cette étiquette. Quand vous crevez l’écran dans la peau d’un personnage, tout le monde vous regarde ensuite à travers ce prisme. J’aime bien interpréter des personnages très différents de moi pour que les gens ne sachent pas qui je suis. J’y vois aussi une sorte d’exploration de mon être. Je retrouve toujours une petite part de moi dans tous mes personnages.

 

Qu’est-ce que votre passage au théâtre vous a appris ?

Jouer au théâtre m’a appris qu’il est important d’aborder une histoire dans sa globalité pour comprendre son personnage. Au cinéma, il nous manque parfois des pièces du puzzle car tout est plus fragmenté. J’ai toujours approché mon métier d’actrice et mes personnages dans la globalité de l’histoire racontée. Je sais toujours où mon personnage va et vers quoi je veux le mener.