The Shining dans l’œil de Michel Ciment

Photo du film The Shining ( Shining ) © DR

Le critique de cinéma Michel Ciment fut l'un des rares à s'entretenir régulièrement avec le réalisateur de The Shining jusqu’à sa mort. Il évoque sa vision de cette œuvre parmi les plus intimes de Stanley Kubrick.

Pourquoi a-t-il accepté d'adapter le roman de Stephen King ?

Kubrick n'a jamais méprisé les conditions de succès de ses films. Il n'était pas sans savoir ceux qu’avaient remportés les adaptations des romans de Stephen King, et en particulier celle de Carrie au bal du diable (1976) par Brian De Palma. Il était soucieux de se raccrocher à la vogue du cinéma d'horreur et, en littérature, aux romans de King.

Jack Nicholson était aussi très en vogue…

Il a pensé à Nicholson car il était au sommet de sa réputation. C'était un acteur très populaire qui lui semblait correspondre en tous points à la physionomie du rôle. Kubrick avait également le souci de se renouveler. C'était un véritable artiste qui avait envie d'explorer des choses différentes.

De quelle manière a-t-il abordé l'adaptation du roman ?

Il s'est lancé dans l'écriture du scénario avec Diane Johnson, une romancière qui enseignait le roman gothique anglais du 19e Siècle. Kubrick ne s’est presque jamais rapproché de scénaristes de profession. Il cherchait des créateurs. Le duo a fait un énorme travail d'adaptation en s’écartant du roman.

Et notamment de son épilogue…

Selon moi, l’idée du labyrinthe a été inspirée par Ken Adam, le grand décorateur qui a travaillé sur Dr Folamour et Barry Lyndon. Il en avait inventé un pour Le Limier (1972), de Joseph L. Mankiewicz. Ken Adam a rapporté qu'il avait passé une soirée avec Kubrick et Mankiewicz. Kubrick était comme un petit garçon impressionné et buvait ses paroles. Il a ensuite probablement visité les décors du film, qui avait été tourné à Londres.

The Shining nous plonge dans le labyrinthe de l'esprit…

Kubrick cherchait toujours le plus large succès possible, mais son instinct d'artiste l'emportait souvent sur ses calculs. Il souhaitait réaliser un film d'horreur à la De Palma. Finalement, The Shining est un film assez cérébral sur un artiste pris d'un blocage au moment de la création. D'une certaine façon, sans en être conscient, il a mis en scène ses propres angoisses. Dans la réalité, Kubrick n'a jamais été en panne d’inspiration.

Est-ce l'un des films les plus intimes de Kubrick ?

Certainement, même si les spectateurs n’ont pas perçu qu'il abordait des choses très intimes. Pauline Kael, la grande critique du New Yorker, a compris ça et a publié une critique dévastatrice en reprenant la phrase que Nicholson tape inlassablement à la machine : sous sa plume, « All work and no play makes Jack a dull boy »  (que j'ai traduit par « Travail sans loisir rend Jack triste sire ») est devenu « All work and no play makes STANLEY a dull boy ». Elle a identifié Kubrick de façon assez méchante à son personnage.

Le tournage a été éreintant pour les acteurs…

Jack Nicholson a raconté que Kubrick lui demandait de retourner des scènes à l'infini et que cela l’aidait à apporter quelque chose de nouveau à leur conception. Par contre, Shelly Duvall a beaucoup souffert. Elle m'avait confié qu'à son retour de vacances, après le tournage, des messages téléphoniques de Kubrick l'attendaient. Il était furieux qu'elle ait raconté dans la presse qu'une scène avait nécessité 112 prises. Kubrick lui avait reproché de ne pas avoir donné un chiffre normal, « comme 78 » !

Une présentation de Warner Bros. La remastérisation 4K a été effectuée à l’aide d’un nouveau scan 4K à partir du négatif 35 mm d’origine. La remastérisation a été faite chez Warner Bros. Motion Picture Imaging, et l’étalonnage a été assuré par Janet Wilson, sous la supervision de l’ancien assistant personnel de Stanley Kubrick, Leon Vitali. Cette séance événement sera présentée par le réalisateur mexicain Alfonso Cuarón, membre du Jury de Cannes en 2008 et plusieurs fois oscarisé.