Tralala, la comédie musicale ébouriffée des Frères Larrieu

Photo du film Tralala © Jérôme Prébois / SBS Productions

 

Tralala, la quarantaine hirsute, chante dans les rues de Paris. Un soir, il est abordé par une jeune femme qui disparaît soudainement. À Lourdes, où il se rend pour la retrouver, il rencontre une sexagénaire qui croit reconnaître en lui son fils disparu. Tralala décide de se laisser porter par cette nouvelle vie qui s’offre à lui. Jean-Marie et Arnaud Larrieu, les réalisateurs de cette comédie musicale décalée - présentée Hors Compétition -, reviennent sur sa conception.

Comment est né Tralala ?

Nous avions depuis très longtemps en tête de réaliser une comédie musicale à Lourdes, où nous avons grandi. Un jour, nous avons été boire un verre avec Philippe Katerine, qu’on n’avait pas revu depuis des années. On avait déjà travaillé avec lui sur Un homme, un vrai (2003). Il était partant pour composer des mélodies et jouer dans le film. On a commencé à écrire en pensant à lui, dans un esprit « Katerinien ». Le personnage de Tralala est inspiré du Philippe Katerine des débuts, un peu décalé. Il avait écrit Sainte Vierge, une chanson qui nous intriguait beaucoup et dans laquelle il raconte une apparition. Il n’a finalement pas pu interpréter le personnage car il était trop pris par ses tournées. Nous savions cependant qu’il nourrirait les mélodies et les chansons du personnage de Tralala. Ensuite, Mathieu Amalric s’est magistralement fondu dans ses pas.

« Surtout, ne soyez pas vous-même » : pourquoi ce credo comme point de départ à la quête de Tralala ?

C’est un extrait d’une chanson de Philippe Katerine. À l’époque, nous recherchions une phrase mystérieuse semblable à celles que prononcent les saintes vierges lors de leurs apparitions. Et puis elle se reliait très bien au personnage de Tralala, qui n’est pas celui que les autres personnages du film croient. On aimait aussi ce credo car l’injonction du moment, c’est un peu d’être soi-même. C’est donc un appel à la légèreté. Tralala la perçoit comme un appel à changer le cours de sa vie, à sortir du cercle très fermé de l’identité.

Bertrand Belin est l’une des révélations du film…

Nous avons très vite pensé à Bertrand, de même qu'à mettre en relation son personnage à celui de Mathieu Amalric. On le suit depuis une quinzaine d’années et on l’a vu évoluer. Dans ses derniers concerts, on trouvait qu’il avait quelque chose d’un acteur dans sa présence sur scène. On savait qu’il avait fait quelques apparitions au cinéma dans des petits rôles et on avait l’intuition que ça se passerait bien. On a filmé sa rencontre avec Mathieu. Il s'agissait de mener une petite confirmation filmée. Très tôt, on savait que cette relation entre les deux allait être l’un des enjeux du film. Un acteur non chanteur face à un chanteur non acteur. Et puis, il a une gueule de cinéma !

Le film est en partie chanté, mais aussi chorégraphié. Comment avez-vous travaillé sur ces aspects ?

On voulait voir la comédie musicale s’inventer sur le moment. C’était cet esprit que l’on souhaitait lui insuffler. Les comédiens arrivaient sur le plateau en ayant travaillé leurs chorégraphies. Et nous, on calait notre mise en scène en les découvrant. Les chansons avaient été enregistrées en studio. Pour les acteurs, c’était aussi une manière rassurante de rentrer dans les personnages. Sur le plateau, ils travaillaient avec des oreillettes, mais chantaient en direct. Au montage, on a pu rééquilibrer les deux, même si on a surtout travaillé sur leurs prises directes.

Quels ont été vos préceptes visuels ?

Bizarrement, on avait deux principes contradictoires sur ce volet. On voulait garder quelque chose d’assez documentaire, mais qui puisse basculer à tout moment dans une image sophistiquée. On aimait bien que ce soit lié au lieu et que le film ne prenne pas trop d’avance sur ce qu’il raconte. Que la comédie musicale vienne petit à petit.

Vous vous êtes accommodés des masques. Qu’est-ce que cela a apporté au film ?

Dès le premier confinement, la question s’est posée de les inclure car on savait qu’on allait tourner six mois plus tard dans les rues de Paris dans un contexte quasi documentaire… On ne pouvait pas les éviter. Du coup, on a conçu un masque pour chaque personnage et des idées de mise en scène pour les gérer. On n’a rien scénarisé, mais on tenait à ce qu'ils soient présents à l'écran. C’est d’ailleurs vraiment le genre d’idées qui peut tomber à plat si elles sont pensées avant. Et puis une comédie musicale avec des gens masqués, c’est assez amusant. Cela nous permettait de jouer à qui est qui. Cela résonnait aussi avec le « ne soyez pas vous-même » de Tralala.