1951–1999 : Une brève histoire des courts métrages. Questions à Jacques Kermabon

Photos des films de "Brève histoire des courts métrages" © DR

Rédacteur en chef de BREF et auteur d’Une encyclopédie du court métrage français avec Jacky Evrard en 2003, il a préparé le programme de sept courts métrages présenté à Cannes Classics avec Christian Jeune, directeur du Département Films. Questions autour d'Une brève histoire des courts métrages à Jacques Kermabon, membre du comité de sélection des courts métrages à Cannes.

D’où vous est venue l’envie de présenter un programme de courts métrages dans le cadre de Cannes Classic ?

Cette section cannoise met en valeur les plus belles pages du patrimoine cinématographique nouvellement restaurées. Pourquoi ne prendrait-elle pas en compte le court métrage, cette part du septième art, riche d’œuvres remarquables, et dont certaines font l’objet de restaurations numériques ?

Le soixante-dixième anniversaire du Festival de Cannes nous est apparu comme une excellente opportunité de proposer aux festivaliers une sélection de films primés au fil des ans.

 

Quels ont été vos critères de choix?

Ce parcours a d’abord été guidé par un souci d’éclectisme en préservant la diversité des pays, des années et des genres. À côté de la fiction, la veine documentaire est représentée, dans un registre contemplatif et expérimental, par Miroirs de Hollande, de Bert Haanstra (1951), et, selon des voies plus classiques, par le magnifique La Seine a rencontré Paris, de Joris Ivens (1958), sur un texte de Jacques Prévert. Harpya, de Raoul Servais (1979), et When the Day Breaks, d’Amanda Forbis et Wendy Tilby (1999), incarnent deux facettes du cinéma d’animation.

Chacun de ces films a obtenu la récompense suprême du festival, à l’exception de Pas de deux, de Norman McLaren, sélectionné l’année ou la manifestation fut annulée. Ce souvenir de 1968 se veut aussi un clin d’œil à l’œuvre d’un des plus grands artistes du XXe siècle.

 

Pourquoi s’intéresser à ce format en particulier? Qu'a le court métrage que le long n'a pas?

Il n’y a pas de différence de nature entre courts et longs métrages. Sans parler de la durée, ce sont d’abord les conditions économiques et leurs modes d’expositions qui les distinguent.
Dans le même temps, le spectre du court métrage, moins lié aux lois du marché, déploie une plus grande diversité. Il y a bien sûr des fictions, aux formules assez proches de celles du long métrage, mais aussi des œuvres qui s’apparentent à des poèmes, des fulgurances, des essais, des explorations plastiques…

 

Jane Campion, présidente du Jury de la Cinéfondation et des courts métrages en 2013, déclarait qu'elle concevait le court métrage comme un passage obligé pour le réalisateur avant de réaliser des longs…

Peel de Jane Campion (1986) constitue à cet égard un exemple éloquent. De même, Xavier Giannoli (L’interview, 1998) s’est effectivement attelé à quelques galops d’essai, avant de réaliser un long. Ces premiers pas lui ont sans doute permis de prendre un peu d’assurance, d’explorer ses limites, de tenter des expériences. Pour autant, Peel et L’interview ne se limitent pas à de simples cartes de visite. Les enjeux et les ambitions de leurs mises en scènes sont en adéquation avec la durée choisie et la vérité de leur récit.

Cette manière de concevoir la production de courts métrages n’est pas limitative. Bien des autres auteurs du programme présenté à Cannes Classic n’ont pas réalisé de longs métrages et rien ne dit que telle fut leur ambition. Leurs œuvres illustrent d’autres dimensions de la forme brève.