Espace Presse

Interview de Thierry Frémaux pour Le Figaro, par Étienne Sorin

Pierre Lescure et Thierry Frémaux © AFP

 

ENTRETIEN EXCLUSIF avec le délégué général du Festival de Cannes, toujours déterminé à organiser la 73e édition.

 

Thierry Frémaux ne lâche rien. Une annulation sèche du Festival de Cannes n’est pas à l’ordre du jour. Si un report à fin juin début juillet n’est plus possible suite aux annonces d’Emmanuel Macron lundi soir, précisant notamment que les «grands festivals et événements avec public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu’à mi-juillet prochain», le délégué général continue d’envisager d’autres scénarios.

Par Etienne Sorin.

LE FIGARO. – Les sélections parallèles du Festival de Cannes (Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique, Acid) ont annoncé leur annulation. Êtes-vous les derniers à y croire?

Thierry FRÉMAUX. – Oui. Les premiers, et les derniers.

Peut-on considérer que, jusqu’au 31 décembre, l’édition 2020 du Festival de Cannes peut avoir lieu ?

Depuis lundi soir, nous avons pris acte de l’impossibilité d’organiser Cannes en juillet. Nous y croyions, ce n’est pas de l’obstination, ça n’est pas pour le Festival lui-même mais pour ce à quoi il est utile: les œuvres, les artistes, les professionnels de cette industrie, les salles, le public. Pour le redémarrage économique de tout un secteur. Et pour le tourisme cannois qui a fait preuve d’énormément de compréhension. L’avenir est plus incertain que jamais. Il peut être sombre: tous les festivals peuvent être annulés, y compris ceux du début d’automne. Il peut s’éclaircir à l’approche de l’été et permettre qu’on dessine d’autres perspectives pour les mois suivants. Cela va sans dire que la santé publique demeure prioritaire.

Envisagez-vous un festival au format réduit, sans certains territoires si les frontières extra-européennes ne sont pas rouvertes, en limitant le nombre d’accréditations et de spectateurs masqués par salle si les mesures du déconfinement l’exigent ?

Nous pensions à différents formats, y compris une montée des marches avec masques! Mais chacun a compris, la situation est désormais claire: si un festival a lieu, c’est que tout a lieu, c’est que la vie a repris normalement. Le déconfinement commence le 11 mai, on verra comment ça se passe. Mais si le virus n’a pas été sérieusement éloigné d’ici à l’été, les autorités n’accepteront la tenue d’aucune manifestation collective avant longtemps. En tout cas, comme rien ne peut être envisagé avant mi-juillet, cela signifie que les premiers rendez-vous auront lieu à la rentrée. On verra de quelle manière.

Cela a-t-il un sens que des films sortent en salles estampillés «sélection officielle Festival de Cannes» quand bien même une édition physique du festival ne puisse se dérouler?

On peut l’imaginer, disons un label «Cannes2020» plutôt que Sélection officielle puisque cette dénomination implique que le Festival soit organisé «normalement». Et que nous souhaitons y associer les sections parallèles. Ce label permettrait de valoriser les films qu’on a vus et de s’y retrouver dans le dédale que sera l’organisation de leur sortie à l’automne. On nous envoie de partout des films magnifiques et il est de notre devoir – et notre envie! – de les aider à exister et à retrouver le public. Car la Sélection ne s’est jamais arrêtée, les films sont là, nous en verrons jusqu’à fin juin! On est en train de bâtir notre projet à partir de consultations que nous menons avec le CNC, avec les professionnels, avec la Mairie de Cannes. Nous ne voulions pas déserter le terrain au 15 avril en passant directement à l’année prochaine, pas abandonner les films et ceux qui les rendent possibles. Nous voulons être présents à l’automne pour contribuer au vaste chantier de la reconquête du cinéma. Ce métier, comme les autres, affronte le risque de devenir un champ de ruines, il faudra qu’on fasse tous preuve d’énergie et d’unité. Le Festival de Cannes veut y apporter sa part.

Donc aucune chance de voir des films présentés en numérique par le Festival?

Il faudrait que les réalisateurs et leurs producteurs soient d’accord, ce qui n’est pas le cas. Et ça n’est pas notre intention, notre tradition, notre conviction. Les quelques expériences déjà menées ne semblent pas concluantes. En revanche, pour le Marché du film, qui va proposer une version numérique de son activité de vente/achat pour les professionnels du 22 au 26 juin, la réponse est oui. C’est d’ailleurs la première étape de ce redéploiement de Cannes2020. Mais un festival numérique, non. Cannes est une fête, un rassemblement, un jugement collectif, un impact. Des projections, des hourras, des sifflets, etc. Quand un film est montré sur la Croisette, il est acclamé, il est récompensé, il est vendu, acheté, distribué. Souvenons-nous de Parasite. La plus-value de tout ça est irremplaçable. Hélas, si j’ose dire, à penser à la situation qui est la nôtre aujourd’hui.

En ce moment, on voit beaucoup de films classiques sur les nouveaux supports mais ça n’a pas l’impact des dizaines de milliers de spectateurs du festival Lumière qui viennent les voir en salles à Lyon. Car Cannes défend les films projetés dans les salles. Et les salles sont au plus mal. On doit les aider, et ça prendra du temps. Il faudra y mettre des formes, des idées, de l’événement. Les plateformes sont triomphantes avec des séries et des films… de cinéma.

Attendons que la vie reprenne et que les films disent avec force qu’il faut encore compter avec eux, loin de quelques sombres prédictions affichées ici et là sur la mort du cinéma.

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