Les documentaires peuvent-il changer le monde ?

Photo du film - Fuocoammare © DR

Au sein du Festival de Cannes, le Marché du Film et son programme Doc Corner donne toute sa place au documentaire. Mardi 17 mai, dans le cadre du Doc Day, première journée entièrement consacrée à ce genre cinématographique, de grandes figures du documentaire ont partagé leurs expériences. Comment les images peuvent-elles faire bouger les lignes ? Peuvent-elles vraiment changer le monde ? Réflexions choisies autour de l’impact de ces films sur la société.

Gianfranco Rosi, auteur de El Sicario Room 164 et Fuocoammare, travail sur la vague d’immigration à Lampedusa

Ce qui importe pour moi, c’est de créer une « suspension », une émotion. Tout le monde peut trouver des infos sur la situation à Lampedusa, mais c’est l’émotion qui peut faire la différence.

J’ai vu Bertrand Tavernier il y a peu de temps et il a dit quelque chose de très juste : « Je pourrais me persuader que je peux changer le monde mais en réalité, si je change l’état d’esprit de deux ou trois personnes, j’ai fait le boulot. »

Lawrence Bender, producteur d’Une Vérité qui dérange, documentaire qui suit Al Gore dans sa campagne de sensibilisation sur le réchauffement climatique

Nous avons ajouté quelques pierres à l’édifice, mais nous n’avons pas changé le monde.
Oui, le film a eu un impact. Beaucoup de gens l’ont vu, Al Gore a reçu le prix Nobel de la Paix…
Mais Al Gore dit très justement à ce sujet : « Nous avons tout fait rapidement, la seule chose que nous aurions dû faire c’était le faire plus vite. »

Askold Kurov, The Trial, sur le procès du cinéaste ukrainien Oleh Sentsov, arrêté par les forces russes de sécurité pour « actes terroristes »

Je pense à une anecdote. Une fois, lors d’une interview, j’entends une personne expliquer qu’elle était homophobe, jusqu’à ce que son meilleur ami lui dise qu’il était gay, et qu’elle comprenne que c’était facile de détester tout le monde, mais beaucoup plus compliqué de détester une personne qu’on aime.
Le documentaire permet ça, de passer de l’abstraction à la réalité, et de répondre aux questions.

Le new-yorkais Gabo Arora

Gabo Arora fait appel à la nouvelle technologie de la réalité virtuelle, au service des Nations Unies pour lesquelles il travaille. Ce cinéaste utilise un casque numérique projetant des documentaires à 360°, et les présente aux gens dans quatorze pays différents. Il parle de véritable pouvoir de séduction de la technologie.
« Quand on croise des personnes dans la rue pour récolter des dons, une personne sur douze donne. Avec ce système, une personne sur six. C’est donc un bon outil pour lever des fonds. »

Le Cauchemar de Darwin, du français Hubert Sauper

Depuis le reportage, le gouvernement tanzanien a créé un ministère de la propagande.

« Oui, les documentaires changent le monde, mais je ne sais pas comment. »

Je ne fais pas des films pour changer le monde, et je pense qu’aux Etats-Unis par exemple, on se trompe de message. Si ça n’apporte que du réconfort, c’est raté. D’un vrai film documentaire, il faut sortir ému, on n’en sort jamais indemne.