Rendez-vous avec… Gary Oldman

En Compétition au Festival en 1997 avec son propre film Nil by Mouth (Ne pas avaler), il y présente la même année Le Cinquième Élément de Luc Besson, en tant qu’interprète. Gary Oldman, grand artiste britannique aux mille visages à l’écran, s’est livré à son ami producteur et imprésario Douglas Urbanski en Master Class, sur sa carrière de 40 ans. JFK (Oliver Stone,1991), Dracula (Francis Ford Coppola, 1992), True Romance (Tony Scott, 1993), Léon (Luc Besson, 1994), Basquiat (Julian Schnabel, 1996), Batman Begins (Christopher Nolan, 2005), La Taupe (Thomas Alfredson, 2011), Les Heures Sombres (Joe Wright, 2017) comptent parmi les nombreux titres de sa filmographie...

L’éveil cinéphile. Gary Oldman s’exprime sur sa vocation d’acteur.

J’avais environ 14 ans. C’était l’avant-première de Raging Moon de Bryan Forbes (1971). J’ai vu la vulnérabilité de Malcom McDowell dans ce rôle, mais aussi ses yeux bleus, immenses et menaçants. J’ai pensé que c’était ça le mélange idéal : la vulnérabilité et la menace. C’est comme si la lumière s’était allumée dans la salle.

Comment devient-on acteur ?

Il faut faire une école de théâtre, ce que j’ai fait. J’étais très motivé, je m’appliquais beaucoup, j’ai écrit beaucoup de lettres. Ma formation a duré trois ans, 7j/7, 24h/24. Ça m’a appris la discipline. J’ai tout absorbé comme une éponge. Il a fallu que j’entraîne ma voix, que j’apprenne d’autres accents. Quand les jeunes acteurs me demandent conseil je leur dis : « Ne soyez pas à l’heure sur les tournages, soyez en avance ! ».

Le théâtre

J’ai commencé par le théâtre. J'ai d'abord joué six mois d'affilée dans une troupe, où l’on menait de front entre cinq et six pièces. On répétait une pièce la journée, on en jouait une autre le soir, je ne sais pas si je pourrais avoir ce rythme aujourd’hui. J’ai eu une douzaine de directeurs de théâtres et j’ai joué toutes sortes de pièces.

Le grand écran

Faire du cinéma, c’était un rêve. La transition a été délicate mais je pense que le plus difficile, c’est de passer du cinéma au théâtre, comme Christian Slater. Je n’aurais jamais pu le faire sans être passé par une école. Et quand on passe de gagner 80 £ par semaine avant impôts à 35 000 £ pour un rôle dans Sid and Nancy (Alex Cox, 1986), mon deuxième film, on ne se pose pas la question ! J’aimais la Motown, alors j’ai dû écouter beaucoup de punk, consulter les archives, perdre trop de poids… Je ne me trouve pas très bon dans ce film. Après ça j’ai essayé d’alterner une pièce/un film, c’était encore possible de faire ça, les agendas se calaient bien à l’avance à l’époque. Maintenant on peut t’appeler une semaine avant le début d'un tournage.

Préparation des rôles

9×10, je commence par écouter la voix. Quand on joue une personne qui a existé, un grand homme comme Churchill par exemple,  il faut rester fidèle à la mémoire de cette personne, la respecter… Il y a une lourde responsabilité… On étudie le moment, la façon dont le personnage se déplace. On a répété six mois avec Mike Lee pour bâtir le personnage de Churchill. Je n’ai jamais eu de coach, les Britanniques, on n’a pas ça, certainement parce qu’on apprend dans des écoles, ce qui n’est pas vraiment le cas à Los Angeles.

JFK, 1991

Quand j’ai vu ce film extraordinaire, je me suis dit « Je suis dedans, c’est incroyable ». Là aussi c’est une autre époque. Pour préparer mon rôle de Lee Harvey Oswald, Oliver Stone m’avait donné des billets d’avion pour me rendre à la Nouvelle-Orléans et à Dallas en repérage. Il m’a dit : « Cherche des infos ! », comme pour un détective. C’est incroyable de bénéficier d’une telle confiance. Oliver est un historien. A Dallas, le lieu de l’attentat et ses alentours a été à notre disposition pendant trois semaines. Ce serait inimaginable aujourd’hui, ce serait tourné ailleurs, en Bulgarie, à Toronto… Et rencontrer la fille d’Oswald, des proches, ça aussi c’était fou.

Dracula, 1992

Coppola est un héros pour moi. Quand il m’a proposé Dracula, un rôle auquel je n’aurais jamais pensé, je me suis tout de suite dit : si c’est Francis, je le fais. J’ai travaillé avec un chanteur d’opéra pour travailler ma voix. Et puis qui résisterait à une réplique comme « J’ai traversé des océans pour te retrouver » ?

Beethoven, 1994

Je joue du piano correctement même si je ne suis pas un génie. Le réalisateur ne voulait pas de doublure donc il a fallu que j’apprenne six ou sept morceaux. Je me suis attaché à un Steinway pendant sept semaines…

Réalisation

J’aime être surpris par les acteurs. J’adore leur jeu. Et j’ai longtemps aimé tout ce qui tourne autour de la technique. A un certain moment, la courbe de carrière s’adoucit et il faut savoir relever des défis. Les grands rôles peuvent s’espacer et on a besoin de motivation.