Célébrer l’engagement à travers le cinéma

Photo du film RIPOSTE FÉMINISTE de Marie PERENNES et Simon DEPARDON © Palmeraie et désert – France 2 cinéma

Loin de s’ancrer dans la commémoration, la 75e édition du Festival de Cannes a voulu accueillir les échos du monde d’aujourd’hui et de demain, un monde où l’engagement des artistes est tangible et le cinéma toujours plus politique. Fidèle à sa vocation fondatrice de lutte contre le fascisme, l’évènement renouvelle aujourd’hui plus que jamais sa volonté de défendre des valeurs de liberté qui lui sont chères. Liberté des peuples, liberté des femmes, liberté de créer, liberté de vivre : autant de déclinaisons qui illustrent ce pour quoi le cinéma est si nécessaire dans nos vies.

Dès la cérémonie d’ouverture, le ton était donné alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky rappelait, gravement : « C’est aussi du cinéma que dépend notre avenir. » En guerre depuis maintenant trois mois, son pays traverse un conflit face auquel le 7e art n’est pas resté muet. En Sélection, deux films ukrainiens : Glorious Revolution, de Masha Novikova, qui traite du conflit interne de 2014, et Mariupolis 2, de Mantas Kvedaravičius, sur l’actuelle offensive russe à l’est de l’Ukraine. En parallèle, à la Quinzaine des réalisateurs, le cinéaste ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk présentait son long métrage Pamfir.

 

Comme un écho à ces propos, Cannes Classics proposait cette année plusieurs œuvres rappelant des dénonciations passées qui résonnent encore aujourd’hui. A titre d’exemple : Viva la muerte, de Fernando Arrabal, en version restaurée 4K. Le drame de 1971 raconte les pérégrinations d’un jeune garçon, Fando, à la recherche de son père disparu dans l’Espagne franquiste. Le cinéaste voulait dénoncer la censure et les interdits religieux qui cadenassaient son pays d’origine, dans lequel il était interdit de séjour. Six ans plus tard, Madrid renoue avec la démocratie, comme un signe qu’à force d’engagements politiques, culturels et humains, les pires dictatures finissent par être vaincues. Volodymyr Zelensky l’a rappelé devant le Grand Théâtre Lumière : « Ne désespérez pas, la haine finira par disparaître ! Nous devons remporter la victoire et nous avons besoin que le cinéma soit du côté de la liberté. »

 

Le combat contre l’autoritarisme ne se limite pas à l’Ukraine : pour dénoncer le populisme qui gangrène son pays, le réalisateur turc Emin Alper raconte la corruption en Anatolie rurale avec Kurak Günler (Burning Days). Un combat contre l’intolérance qui passe aussi à travers la caméra de James Gray dans Armageddon Time, mise en lumière des dérives d’un système scolaire américain élitiste au racisme décomplexé et alimenté par la famille Trump dans les années 1980.

Guillermo del Toro l’a rappelé lors de la rencontre sur le cinéma de demain : « Toute œuvre d’art est politique. Tout thème abordé dans les films ne peut éviter d’être politique. »

 

Dès lors qu’il exprime sa vision, l’artiste s’engage. Un engagement plus ou moins militant, qui s’illustre aussi cette année dans le combat féministe. La lutte contre les violences sexistes a aussi parcouru cette 75e édition, dans les films comme sur le tapis rouge. En Compétition, Holy Spider (Les Nuits de Mashhad) d’Ali Abbasi, s’intéresse à la traque d’un tueur de prostituées en Iran tandis que le nouveau film de Park Chan-wook, Heojil Kyolshim (Decision to Leave), met en scène une femme battue. Mais le long métrage le plus engagé en faveur du droit des femmes demeure Riposte féministe, présenté en Séance Spéciale, un documentaire de Simon Depardon et Marie Perennès qui s’intéresse aux collectifs féministes qui cherchent à se réapproprier l’espace public à travers les collages aux quatre coins de la France. La montée des marches de l’équipe du film avait été remarquée par le déploiement d’une banderole contenant les noms des 129 femmes victimes de féminicides en France depuis le dernier Festival de Cannes, en juillet 2021.

 

Le combat continue et depuis 1927, avec le Chanteur de jazz, le cinéma a quelque chose à nous dire, au Festival de Cannes comme dans toutes les salles de cinéma à travers le monde.