Rencontre avec Ladj Ly, membre du Jury des Longs Métrages

Ladj Ly, Membre du Jury des Longs métrages © Maxence Parey / FDC

Son premier long métrage lui a valu une reconnaissance internationale. En 2019, Ladj Ly reçoit le Prix du Jury pour Les Misérables, l’accomplissement d’un long travail autodidacte à filmer depuis Montfermeil, en banlieue parisienne. Le cinéma pour Ladj Ly, c’est une affaire de bande, celle du collectif Kourtrajmé, des amis fidèles avec qui il a monté son école de cinéma en 2018. Comment apprendre et transmettre ? Il se confie dans cet entretien.

Votre rapport premier à l’image, c’était le copwatching, l’acte de filmer la police pendant ses interventions. En quoi est-ce que ça a été une bonne école ?

Depuis que j’ai 17 ans, j’ai une caméra à la main. Une petite caméra numérique avec laquelle je filme tout. Le copwatching, c’était une partie de ce que je filmais, puis c’est devenu une spécialité. Avec cette caméra, j’ai appris peu à peu les notions de cadre et de lumière, sans même m’en rendre compte. J’ai tout appris sur le tas à force de filmer tout le temps.

Qu’est-ce que Les Misérables vous a appris en termes de mise en scène ?

Avant cela, le cinéma, je l’ai appris avec mes amis du collectif Kourtrajmé. Je n’étais pas cinéphile, ce monde était loin de moi et quand j’ai mis un pied dedans, je ne me suis pas rendu compte que j’y entrais. Sur Les Misérables, je savais exactement comment je voulais filmer, de quel point de vue, quand zoomer, quels mouvements. Tout était très précis. Sans en être pleinement conscient, je savais déjà filmer et mettre en scène. Le chef opérateur me disait que je n’avais presque pas besoin de lui mais en réalité, chaque fois que je donnais une idée, il arrivait toujours à la sublimer, c’est un génie, il a transcendé le film.
 

Quelle leçon avez-vous retenue de ce film ?

Je m’étais mis énormément de pression avant le tournage. Mais je me suis vite rendu compte qu’étant donné le travail de préparation, c’était plus facile que ce à quoi je m’attendais. J’étais à l’aise en tout cas. Je me suis rendu compte que finalement, ce n’était pas si compliqué. J’avais l’habitude de tout faire seul, de filmer seul, de monter seul, et le fait d’être entouré d’une équipe, avoir des gens à chaque poste, ça facilite le travail et enlève toute pression.

Avez-vous un rapport au cinéma différent depuis cette expérience ?

Bien évidemment. Avec Les Misérables et son succès, j’ai beaucoup voyagé, j’ai rencontré énormément de cinéastes passionnants. Ça m’a poussé à voir leurs films. C’est pareil pour les membres du Jury. Je discute beaucoup avec Joachim Trier et Jeff Nichols et il y a une bonne énergie avec tous les autres membres. Je ne connaissais pas tout le monde alors je me suis penché sur la filmographie de chacun. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je suis cinéphile mais je m’intéresse beaucoup plus au cinéma.

Jury Longs Métrages du 75ème Festival de Cannes

Jury Longs Métrages du 75ème Festival de Cannes © John Phillips / Getty Images

Quand vous avez fondé votre école avec Kourtrajmé, quelle génération de cinéastes espériez-vous former ?

On veut porter la nouvelle génération avec les enseignements que nous avons nous-mêmes tirés de notre formation autodidacte. Nous avons tout appris seuls, sans moyens, sans rien. L’école Kourtrajmé, c’est un peu ça : la motivation, la débrouille et l’entraide.

Quels sont les grands conseils que vous donneriez à un aspirant réalisateur ?

Il faut de la passion. C’est un métier tellement dur que ça ne peut pas marcher sans passion. Après, il n’y a pas de secret, il faut travailler, travailler encore et ne pas s’arrêter. C’est le seul moyen de se perfectionner.

Quels projets vous occupent actuellement ?

J’ai coécrit deux films. Le premier, c’est celui de Kim Chapiron, Le Jeune Imam et le second, celui de Romain Gavras, Athéna. Et je viens de terminer le scénario de mon deuxième film, je ne peux pas vous en dire plus mais je suis très content.