Sélection 2022 : un vent d’autofiction

Photo du film CLOSE de Lukas DHONT © Kris Dewitte_Menuet

Sous le vernis de la narration, réside parfois l’autofiction : le récit d’événements vécus par l’auteur, transformés par son imagination. De la simple touche d’inspiration à l’autobiographie, nombreux sont les réalisatrices et réalisateurs de la Sélection 2022 à avoir puisé dans leurs propres expériences, pour tisser le récit de leur film. Tour d’horizon d’un phénomène grandissant lié, c’est une hypothèse, aux phases d’introspection imposées par les confinements successifs de ces deux dernières années.

Autobiographie

Il y a ceux qui réitèrent tout au long de leur filmographie, et creusent la veine de l’autobiographie sous bien des aspects.

Avec Les Amandiers en Compétition, Valeria Bruni-Tedeschi signe son cinquième film autobiographique. Une autoanalyse filmique effectuée dans un désordre chronologique étudié. En 2007, Actrices illustrait la vie de l’actrice-réalisatrice quarantenaire. Cette année, Les Amandiers regarde dans le rétroviseur, en évoquant ses années de formation théâtrale, quand Patrice Chéreau dirigeait la célèbre école du même nom.

En Compétition également, Lukas Dhont puise, lui aussi, largement dans sa propre vie avec ses deux films présentés en Sélection. En 2018, Girl partait de l’histoire vraie, découverte dans une coupure de presse par le cinéaste, d’une adolescente transgenre qui se rêvait danseuse étoile. Le jeune belge a un temps rêvé, d’être danseur, avant de suivre la trajectoire de réalisateur que l’on connait. Plus largement autobiographique, Close, son deuxième et nouveau film, réveille un épisode du passé du cinéaste, en posant la question de l’amitié, et de la fragile relation de deux garçons de treize ans. 

Egalement en Compétition, James Gray signe peut-être, avec Armaggedon Time, son œuvre la plus intime même si les faubourgs de son enfance new yorkaise illustraient déjà nombre de ses films, à l’image des quartiers russes de Little Odessa et de Brighton beach à Brooklyn (Little Odessa, Two Lovers). Armaggeddon Time est un film sur l’enfance, celle d’un petit garçon juif qui grandit dans le Queens, dans une famille aussi aimante que dysfonctionnelle. Du déjà vécu pour le réalisateur. 

Arnaud Desplechin ne pouvait trouver de titre de film plus explicite que Frère et Sœur. Le Français poursuit son analyse des relations fraternelles, commencée dans son cinquième film Rois et reine (2004) avec ce film en Compétition. Il y explore, à nouveau, les relations entre un frère et sa sœur ainée, l’écrivaine Marie Desplechin dans la vie, deux artistes ayant grandi à Roubaix. 

Inspirations
 

En filigrane, certains réalisateurs mêlent des bribes de leur vécu au récit de leur film. 

Avec Un petit frère, Léonor Serraille s’inspire de la vie du père de ses enfants, venu en France depuis l’Afrique subsaharienne dans son enfance. En Compétition, le film interroge ses ressentis en tant que mère, vis-à-vis de sa propre famille.

Dans Les Pires, au Certain Regard, les réalisatrices Lise Akoka et Romane Gueret, anciennes directrices de casting et coachs d’enfants, ont puisé dans leur propre parcours pour tisser le récit de leur premier long métrage, en racontant l’histoire de quatre ados en difficulté de Boulogne-Sur-Mer, castés pour jouer dans un film. 

Quant à L’Innocent, à Cannes Première, Louis Garrel passe derrière la caméra pour la cinquième fois et surfe, pour ce film de braquage aux allures de comédie sentimentale, sur une histoire vécue enfant, celle de sa mère tombée amoureuse d’un repris de justice. Sans être autobiographique, son précédent film écologique présenté à Cannes en 2021, La Croisade, mettait en scène le couple fictionnel formé par Laeticia Casta et Louis Garrel, en couple dans la vraie vie.