Jonathan Glazer questionne l’humanité dans The Zone Of Interest

THE ZONE OF INTEREST © Courtesy of A24 / MICA LEVI

Neuf ans après le fascinant Under the Skin, fascinant mélodrame aux contours SF emmené par Scarlett Johansson, le cinéaste britannique a librement adapté le roman éponyme de Martin Amis pour livrer un point de vue glaçant sur l’univers concentrationnaire et s’interroger sur les frontières de l’âme humaine.

Privilégier une atmosphère à la linéarité du récit. Bâtir une esthétique dépouillée et travailler l’invisible pour concevoir le langage cinématographique d’un univers artistique unique qui, à la manière d’un Stanley Kubrick en son temps, est pensé pour façonner l’expérience du spectateur. Ainsi se déploie le cinéma singulier de Jonathan Glazer depuis la sortie de Sexy Beast (2000), premier long métrage d’une filmographie au centre de laquelle ce cinéaste rare, arrivé à la réalisation par le clip et la publicité, a ancré ses interrogations sur les paradoxes de l’Humanité.

Dans Under The Skin (2014), le cinéaste filmait Scarlett Johansson en prédatrice extraterrestre sans affect, dévouée à engloutir dans son magma noir visqueux, perdu dans l’espace-temps, de jeunes hommes fascinés par sa plastique pulpeuse et glaciale. Alors que l’étrange protagoniste expérimentait ses premières émotions et que le film basculait dans sa seconde partie, le cinéaste s’interrogeait sur les relations entre le corps et l’âme.

Où en sommes-nous avec notre conscience face à l’inconcevable, semble se demander dans The Zone Of Interest Jonathan Glazer, qui s’est emparé du roman de Martin Amis, paru en 2014, pour donner sa propre vision de l’horreur concentrationnaire – livrée hors champ au spectateur au travers d’un sidérant travail sonore. Comme l’oeuvre de Michael Faber dont Under The Skin est adapté, celle du célèbre auteur britannique n’est qu’un prétexte au cinéaste pour décaler le point de vue.

Le film suit le quotidien d’une riche famille allemande dont la maison est mitoyenne du camp de concentration d’Auschwitz. Tandis que dans la bâtisse entourée de jardins, le commandant et sa femme jouissent d’un avenir radieux arraché à la fortune des victimes de l’Holocauste, des millions de Juifs d’Europe périssent à leur porte. Jonathan Glazer, dont la caméra reste ici à bonne distance, explique avoir été saisi par des images d’archives montrant des voisins des camps de la mort « prendre du plaisir » devant ce « spectacle ».

Comme pour mieux toucher du doigt la vérité de l’Holocauste, le cinéaste s’est débarrassé des éléments de pure fiction présents dans le roman et a choisi de tourner le film à Auschwitz, en Allemand, empruntant la grammaire et le phrasé daté mais caractéristique des Nazis. Au casting, on retrouve Sandra Hüller, révélée à Cannes en 2016 dans Toni Erdmann, de Maren Ade, et Christian Friedel, à l’affiche en 2009 du Ruban Blanc, de Michael Haneke.