Les écrivains font leur cinéma en Sélection
Jean-Luc Godard le disait : « La littérature, c’est souvent du cinéma. » Le poète et cinéaste Jean Cocteau ne l’aurait pas contredit, lui qui comparait le cinéma à une forme d’écriture moderne, dont « l’encre serait la lumière ». Et François Truffaut, était-il metteur en scène ou écrivain ? Littérature et 7e art cohabitent de multiples façons — cette Sélection en est le reflet.
Quand l’écriture donne naissance au cinéma
Deux pionniers de la plume à la caméra
Marcel Pagnol, conteur méridional et cinéaste humaniste
Quel meilleur représentant que Marcel Pagnol pour illustrer la porosité entre ces deux mondes ? L’auteur de La Gloire de mon père et Le Château de ma mère (1957) était aussi un cinéaste à part entière. Président du Jury en 1948, il adapta nombre de ses romans au cinéma et signait de sa plume les scénarios de tous ses films. Tourné en 1935, Merlusse, premier scénario original qu’il écrivit pour le cinéma, est présenté cette année à Cannes Classics dans une version restaurée.
Bo Widerberg, manifeste d’écrivain, œuvre de cinéaste
En 1962, Bo Widerberg publie un pamphlet pour dénoncer l’état qu’il juge moribond du cinéma suédois. Un producteur lui adresse un télégramme : « Voilà 250 000 couronnes. Filmez donc la vérité. » Ainsi commence la carrière de l’un des cinéastes les plus influents de Suède. À Cannes Classics, le documentaire Being Bo Widerberg retrace la quête artistique de cet écrivain devenu réalisateur.
Écrivains-réalisateurs : le récit à la source
Quand les auteurs passent derrière la caméra
C’est le cas de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016 pour Chanson douce et membre du Jury des Longs Métrages cette année. Elle prépare actuellement l’adaptation scénaristique de sa trilogie Le Pays des autres.
The History of Sound, nouvelle de l’écrivain américain Ben Shattuck, a été adaptée par l’auteur lui-même, puis confiée à Oliver Hermanus. Avec Paul Mescal et Josh O’Connor, ce film délicat est présenté en Compétition.
Autre exemple : avant de signer ses deux longs métrages, dont l’expérimental Exit 8 présenté en Séance de Minuit, le Japonais Genki Kawamura était déjà l’auteur à succès de nombreux romans, dont le best-seller Deux milliards de battements de cœur (2012), traduit dans plusieurs langues. Il écrit bien sûr ses scenarios.
Quand les livres deviennent des films
Des récits adaptés avec force et justesse
De la difficulté de révéler son homosexualité dans une famille musulmane : La Petite Dernière, premier roman de l’autrice française d’origine algérienne Fatima Daas, publié en 2020, est à l’origine du film en Compétition d’Hafsia Herzi.
Connemara, quatrième roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018, est porté à l’écran par Alex Lutz. Le film, projeté à Cannes Première, dresse le portrait de deux quadragénaires de l’Est de la France, emportés dans une histoire d’amour et de réparation, sur fond de crise existentielle.
La Disparition de Josef Mengele, récit documenté d’Olivier Guez, inspire au cinéaste russe Kirill Serebrennikov une plongée glaçante dans la banalité du mal. Le film est également présenté à Cannes Première.
En Compétition, Die, My Love de l’Écossaise Lynne Ramsay adapte Crève, mon amour d’Ariana Harwicz, portrait incandescent d’une jeune femme en proie à ses démons intérieurs.
Avec The Chronology of Water, Kristen Stewart passe pour la première fois derrière la caméra. Elle puise dans La Mécanique des fluides, récit autobiographique de Lidia Yuknavitch — un roman coup de poing sur la résilience, la douleur et le pouvoir de la création.
Enfin, Amélie et la Métaphysique des tubes, réalisé par Maïlys Vallade et Liane-Cho Han, transpose à l’écran le roman culte d’Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes. Un récit animé, singulier et poétique sur les premières années de la narratrice, entre éveil sensoriel, conscience de soi et quête existentielle. Le film épouse avec délicatesse l’imaginaire foisonnant de l’autrice, tout en renouvelant la manière de filmer l’enfance au cinéma. L’autrice a laissé carte blanche aux réalisateurs.