Quand les interprètes passent derrière la caméra : à Cannes, le grand saut créatif des stars du grand écran
Scarlett Johansson, Harris Dickinson, Joséphine Japy ou encore Kristen Stewart : cette année au Festival de Cannes, les comédien·nes ne se sont pas contenté·es de briller à l’écran. Ils et elles ont franchi un nouveau cap en passant derrière la caméra, dans les pas de quelques-uns de leurs aînés déjà passés par là en Sélection officielle.
Le Festival de Cannes est un terreau fertile pour les métamorphoses du cinéma. À l’occasion de sa 78ᵉ édition, plusieurs stars du grand écran ont fait leurs débuts en réalisation : une tendance déjà présente sur la Croisette, mais qui s’ancre davantage cette année, illustrant la volonté de certain·es artistes de redéfinir leur rapport au 7ᵉ art.
Parmi les événements les plus attendus de cette édition 2025, les premiers pas de Scarlett Johansson en tant que réalisatrice ont marqué les esprits. Venue présenter Eleanor the Great à Un Certain Regard, l’actrice oscarisée s’est essayée à la mise en scène d’un drame intimiste inspiré par sa grand-mère. Le film retrace le parcours d’Eleanor, 90 ans, qui, après la mort de sa meilleure amie, retourne à New York pour recommencer sa vie. Elle y noue une amitié inattendue avec une étudiante de 19 ans, tissant un lien intergénérationnel qui devient central dans sa quête de renouveau. « C’est tellement excitant d’apprendre quelque chose de nouveau à 40 ans. Maintenant, je sais comment faire un film. Le mixage sonore, la colorimétrie, le montage… je ne connaissais rien de tout ça avant », a confié la comédienne.
Scarlett Johansson n’était pas seule à tenter l’aventure du long métrage : Harris Dickinson, jeune espoir britannique révélé dans Triangle of Sadness de Ruben Östlund, a également présenté son premier film à Un Certain Regard, Urchin. Il y met en scène Frank Dillane dans le rôle de Mike, un sans-abri londonien pris dans un cycle d’autodestruction, tenté par la rédemption.
Pour certain·es, le passage derrière la caméra est né d’un besoin d’indépendance artistique, du désir de créer leur propre langage après avoir longtemps porté la vision des autres. C’est dans cet esprit que Kristen Stewart, comédienne avide de liberté, a présenté The Chronology of Water Hors Compétition. Son premier long métrage adapte les mémoires de l’écrivaine américaine Lidia Yuknavitch, incarnée par Imogen Poots, et retrace un parcours intime et tumultueux.
Côté français, Joséphine Japy est la troisième actrice de la Sélection officielle à avoir sauté le pas. Inspirée par l’histoire de sa sœur cadette Bertille, atteinte d’un handicap sévère, elle signe Qui Brille au Combat, plongée dans le quotidien d’une famille installée sur la Côte d’Azur, confrontée à la maladie mystérieuse d’une adolescente de 13 ans. Un drame sensible sur l’impact du handicap et les liens familiaux.
Depuis plusieurs décennies, Cannes accompagne ces trajectoires artistiques, souvent saluées comme des révélations. On se souvient du passage d’Emmanuelle Bercot à la réalisation avec Clément, présenté à Un Certain Regard en 2001, ou de The Indian Runner, premier film réalisé par Sean Penn, projeté à la Quinzaine des Réalisateurs en 1997.
Cette tradition perdure dans les sélections parallèles, où les exemples de transitions sont nombreux : Xavier Dolan, Louis Garrel, Sandrine Kiberlain ou encore Hafsia Herzi, qui signe cette année La Petite Dernière, son troisième long métrage, en Compétition. Et la dynamique semble s’accélérer. L’édition 2021 avait déjà vu les premiers pas de Charlotte Gainsbourg avec Jane par Charlotte à Cannes Première, et de Noémie Merlant avec Mi Iubita Mon Amour en Séance Spéciale.
En mettant en lumière les débuts de comédien·nes passé·es à la réalisation, le Festival de Cannes prolonge une histoire nourrie de renaissances artistiques. Une preuve de plus que sur la Croisette, le cinéma ne se fige jamais : il reste un territoire de métamorphoses infinies.