Rencontre avec Payal Kapadia, membre du Jury des Longs Métrages
Un passage par la Cinéfondation en 2017 avec son court métrage Afternoon Clouds, un film primé de l’Œil d’or du documentaire à Cannes en 2021 (A Night of Knowing Nothing) : Payal Kapadia, consacrée par le Grand Prix en 2024 pour All We Imagine as Light, endosse cette année avec grâce son rôle au sein du Jury des Longs Métrages.
Vous avez reçu le Grand Prix l’année dernière : cela va-t-il encourager les femmes cinéastes à réaliser davantage de films en Inde ?
Il est très important pour un film comme le nôtre d’obtenir une telle reconnaissance. Grâce au Grand Prix, nous avons été distribués dans plus de soixante pays, dont l’Inde, mon pays. Les femmes réalisatrices y sont de plus en plus nombreuses, et je pense qu’un mouvement positif est en marche – un mouvement auquel je participe. D’ailleurs, l’année dernière, un autre film réalisé par une Indienne, Santosh de Sandhya Suri, a été présenté à Un Certain Regard.
Quelle est votre source d’inspiration en tant que cinéaste ?
Tout m’inspire : me réveiller aujourd’hui, voir les nuages, l’océan, vous rencontrer… Je pense que c’est ce qu’il y a de formidable dans le fait d’être cinéaste. La vie devient plus intéressante que l’art, et c’est un immense privilège. On peut faire un film sur n’importe quoi – et cela rend le monde plus fascinant, je crois.
All We Imagine as Light était votre première fiction : votre prochain film sera-t-il également une fiction ?
Mon prochain projet est résolument fictionnel. Une fois qu’on commence à faire de la fiction, c’est presque une addiction : le ciel devient la seule limite. On peut tout explorer, aller partout. C’est vertigineux pour moi. Mais j’aime aussi tourner de façon à ce que la fiction conserve une texture documentaire. J’aime brouiller les frontières du cinéma et trouver mon propre format. C’est très important à mes yeux, car je pense que le cinéma est avant tout une question de langage – pas uniquement d’histoire. Les deux se rejoignent. Et les questions de forme m’enthousiasment toujours.
Pouvez-vous nous parler de ce futur projet ?
Je travaille actuellement sur deux films, tous deux situés à Mumbai. All We Imagine as Light s’y déroulait aussi. Ces trois œuvres formeront une sorte de triptyque, dont le personnage principal sera cette ville.
Qu’a Mumbai de si spécial à vos yeux ?
C’est ma ville d’origine, celle que je connais le mieux. Elle incarne une grande diversité de cultures, de castes et de classes sociales, ce qui la rend unique en Inde. C’est aussi un lieu où les femmes jouissent d’une relative liberté : il est plus facile d’y vivre seule, de sortir tard, d’être indépendante. Mais Mumbai reste une ville chère, en pleine mutation, où l’embourgeoisement pousse certains habitants à partir. Comme dans toutes les grandes métropoles, elle évolue vite – et je ressens le besoin de réfléchir à ces changements à travers mes films.
Vous êtes une citadine.
Je suis définitivement une citadine. J’aime observer les multiples regards qui peuvent être posés sur une même ville – c’est très subjectif. J’ai vu beaucoup de films français sur ce thème, comme Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, mais aussi des films du monde entier : ceux d’Edward Yang, de Wong Kar-wai, de Chantal Akerman… On peut entretenir une relation complètement différente avec chaque ville. J’aime étudier cela, comprendre comment je me sens dans un lieu. Récemment, je suis allée à Hong Kong pour un tournage : c’était très différent de l’image que j’en avais. Je pense que c’est là tout l’enjeu de l’art, proposer un point de vue singulier. C’est toujours enthousiasmant pour moi de faire une proposition artistique.