À la rencontre des lauréats du 75e Festival

Ruben Östlund - TRIANGLE OF SADNESS (SANS FILTRE), Palme d'or © Jean-Louis Hupé / FDC

Tous les lauréats de cette 75e édition se sont présentés face aux journalistes après la Cérémonie du Palmarès pour s'exprimer et répondre à leurs questions. Voici les morceaux choisis de leurs échanges.

Ruben Ostlünd, Palme d'or pour Triangle of Sadness :

Quelqu’un m’a dit un jour : "La première Palme d’or ça peut être un accident, mais la deuxième veut dire quelque-chose." La première fois en Compétition, tout était nouveau pour moi, je n’ai pas profité de tout. Cette fois-ci, je suis avec des amis, avec l’équipe donc je suis très heureux."

À l'époque j'avais l’impression que le cinéma d’auteur était devenu ennuyeux. J’ai eu l’idée d’aborder des thèmes importants de notre temps dans un contexte qui donne envie aux spectateurs de regarder le film. On amène le public à discuter de thèmes importants. Le plus important est de poser la question de la responsabilité : comment construire une société ensemble ?

Lukas Dhont, Grand Prix ex-aequo pour Close :

Je suis très honoré de gagner ce prix avec ce film. C'est un film très important pour moi. Après Girl, je voulais parler du sujet d'un film avec la même intensité. Cela parle de choses très personnelles. Je voulais rendre ces émotions universelles. C'est toujours un moment très fragile de partager quelque chose avec un public quand tu as tout mis dedans. J'ai essayé de rester fidèle à moi-même tout en essayant de me challenger pour faire mieux encore. Il y a le grand désir de faire des films. J'espère que, dans le futur, mes films vont être accueillis avec la même chaleur.

Claire Denis, Grand Prix ex-aequo pour Stars at Noon :

J'ai commencé à écrire ce scénario avant la pandémie. Je pensais tourner au Nicaragua. J'ai tourné au panama, avec des règles très strictes. J'ai eu envie de vivre comme on vivait dans la vraie vie, c'est-à-dire avec des masques. Je savais que comme dans le livre, les paysages allaient appeler le format scope. Les focales utilisées concentraient l'image. La très grande proximité s'est alors imposée. Le film se passe beaucoup dans des lits et dans des chambres.

Park Chan-wook, Prix de la Mise en scène pour Decision to Leave :

Quand on lit le résumé de mon film, on se dit effectivement qu'on l'a vu une centaine de fois. Mais je voulais aller plus loin. Quand on bascule dans la deuxième partie du film, il y a un tournant : le personnage féminin n'est plus l'objet du regard masculin. J'avais deux sources d'inspiration : la série littéraire des Martin Beck. Il s'agit d'un policier attentionné. La deuxième, c'est une vieille chanson coréenne intitulée La Brume.

Tarik Saleh, Prix du Scénario pour Walad Min Al Janna :

Certaines personnes m’ont dit qu’il fallait du courage pour raconter cette histoire. Je ne suis pas d’accord. Le récit que je raconte est universel et traite de pouvoir et d’autorité. Il peut être compris partout, même en Europe. On ne sait rien de l’Islam et on en parle tous les jours. L’éducation est essentielle, elle fait l’histoire. C’est en Égypte, en Iran, au Soudan qu’il faut beaucoup de courage pour raconter ce genre d’histoire.

Felix Van Groeningen et Charlotte Vandermeerch, Prix du Jury ex-aequo pour Le Otto Montagne :

FVG : On a senti dans cette histoire qu'il y avait quelque chose d'important à partager. Chaque film a été un pas dans ma vie. Les projets doivent venir vers moi. Je n'aurais jamais cru faire un film en italien. C'était incroyable de plonger dans un monde que je ne connais pas. J'ai appris à faire un film dans une autre langue et cela m'a donné confiance. Quand les gens font des pas, ça inspire les autres. L'inspiration inspire !

CV : On fait des films pour ouvrir les coeurs. On est restés fidèles au livre parce qu'il a un grand cœur. Paolo a mis son coeur dedans et on voulait garder cet esprit à l'écran. Il nous a montré les lieux qui l'ont inspiré. Nous avons été vivre dans les montagnes et les acteurs sont venus. On a réduit ces trente ans d'amitié en un film.

Jean-Pierre et Luc Dardenne, Prix du 75e pour Tori et Lokita :

LD : Nous voulions parler des actes de résistance à la haine qui se répand de plus en plus. Lié le film à l’acte de ce boulanger qui a fait une grève de la faim pour empêcher l’expulsion de son jeune apprenti qui n’avait pas les papiers. Une grande solidarité s’est créé autour de lui. Cela montre que même si nous avons peur, nous ne sommes pas totalement prisonniers de cette peur, nous pouvons encore en sortir.

JPD : Je pense que ce qu’il s’est passé ce soir pourrait faire comprendre à nos décideurs et nos décideuses qu’il faut augmenter le nombre de salles en Belgique, pour laisser plus de place au cinéma d’auteur comme en France.

Zar Amir Ebrahimi, Prix d'Interprétation Féminine pour Holy Spider :

Être présente ici ce soir est un message pour les femmes, notamment les femmes iraniennes. Certains en Iran veulent que je sois invisible, à la fois dans la vie et dans le cinéma. Pourtant je suis ici avec ce Prix. C’est là notre pouvoir, celui des femmes.

Song Kang-Ho, Prix d'Interprétation Masculine pour Broker :

C’est un très grand honneur. La diversité du cinéma coréen a permis ce Prix. C’est aussi grâce à vos encouragements. Le cinéma japonais est très familier pour les Coréens, on réfléchit beaucoup après avoir vu un film de Kore-Eda.

Gina Gammell, Caméra d'or avec Riley Keough pour War Pony :

Un prix pour un premier film, ça nous submerge d'émotion, c'est un honneur énorme. Dans notre film, on parle surtout d'Histoire et il y en a une ici incroyablement riche et poignante. Il est important de dire que cette histoire est universelle. C'est une histoire de jeunes gens qui explorent l'histoire avec leurs amis. C'est une histoire que le monde doit entendre. Le cinéma est le support le plus important au monde.

Chie Hayakawa, Mention Spéciale pour Plan 75 :

C'est une coproduction entre le Japon et les Philippines. J'ai eu beaucoup de chance. Lorsqu'on fait un film, il n'y a plus de barrière linguistique. J'ai fait ce film parce que je voulais décrire de quelle façon la vie est belle. C'est un film sur la dignité humaine.

Jianying Chen, Palme d'or du Court Métrage pour The Water Murmurs :

Je remercie ma famille, particulièrement ma mère en Chine. Je ne m’y attendais pas. Pendant tout le tournage j’étais pleine de doutes. J’ai revu le script une vingtaine de fois, nous n’avons pas arrêté de changer les choses pour trouver le ton juste.

Abinash Bikram Shah, Mention Spéciale pour Lori :

Je suis heureux, c’est un grand honneur. Pour réaliser un film dans mon pays, les moyens sont très limités. Je tiens à dédier ce prix à tous les réalisateurs au Népal.