Bull, le regard d’Annie Silverstein

Photo du film Bull © DR

Après avoir été révélée avec son court métrage Skunk, premier Prix de la Cinéfondation en 2014, Annie Silverstein revient à Cannes avec son nouveau film Bull. La réalisatrice américaine explore les liens spéciaux qui lient Kris, adolescente texane hébergée chez sa grand-mère depuis l’incarcération de sa mère pour trafic de drogue, et Abe, un voisin adepte de rodéo. 

Racontez-nous la genèse de votre film.

J’ai rencontré un homme, il y a plusieurs années, qui venait d’une famille texane noire et m’a raconté un peu sa vie. Quand j’ai commencé à écrire ce film plus tard, je voulais développer les thèmes de mon court métrage Skunk, qui parle d’une fille de 14 ans dans la banlieue de Houston. Pendant que j’écrivais, cet homme me revenait sans cesse en tête. Je ne connaissais pas grand-chose de lui, mais assez pour éveiller mon imagination. J’ai commencé à écrire le personnage d’Abe. Pendant les recherches, nous assistions à des spectacles de rodéo et interviewions des cow-boys avec mon mari Johnny McAllister (coscénariste). Leur mode de vie et leur communauté se sont emparés de moi, et l’histoire a changé pour se concentrer sur ces deux personnes et leur rencontre.  

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Il y avait un gros casting et seulement trois acteurs professionnels. La majorité venait de la communauté sur laquelle le film est basé. Ma méthode était très spécifique à chacun. J’ai donné le script aux acteurs professionnels, mais pas aux non-acteurs. J’avais peur que cela les rende anxieux et qu’ils essayent de mémoriser des répliques plutôt que de réagir naturellement. Il était important pour moi de créer une ambiance de tournage où l’équipe se sentait à l’aise. 

Quelques mots sur vos interprètes ?

Nous avons longuement cherché notre actrice principale. Nos directrices de casting Vicky Boone et Chantel Johnson ont remarqué Amber Havard dans un collège. Quand elles l’ont filmée, quelque chose a mal fonctionné et le téléphone a commencé à enregistrer après l’audition. J’ai donc vu seulement sept secondes d’elle en train d’écouter Vicky parler. Nous avons vu environ 1000 filles, mais il y avait tellement derrière son regard évasif mais attentif, que de ces courts moments filmés pas ce simple iPhone, j’ai senti que nous avions trouvé Kris.

Pour le rôle d’Abe, je voulais trouver quelqu’un d’expérimenté mais aussi naturel et authentique, qui pourrait tisser un lien avec les non-acteurs pour rendre la dynamique homogène. J’ai trouvé tout ça en Rob Morgan. Il a rencontré Amber. Je les regardais parler et interagir, tout me semblait parfait. Le film repose vraiment sur leur connexion, et je croyais en ce que je voyais. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ? Vos sources d’influence ?

J’ai travaillé dix ans en tant qu’éducatrice à Washington avant d’intégrer une école de cinéma. Mes étudiants étaient Amérindiens et habitaient dans des réserves isolées. Beaucoup se sentaient à l’écart. Nous faisions principalement des documentaires ensemble, mais nous romancions parfois certaines expériences de vie qu’il leur était trop difficile de raconter ouvertement.

C’est resté ancré en moi et j’ai commencé à m’intéresser à l’écriture et la réalisation de films basés sur des vraies personnes et communautés, en puisant dans mon expérience pour façonner l’approche narrative.